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"Une voix pour le peuple"
Je tente de créer une association pour changer la face du monde. On peut y arriver. N'hésitez pas à voir son but et à donner vos idées : Une voix pour le peuple

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13 janvier 2010 3 13 /01 /janvier /2010 11:40
A Messancy, Nelly râle auprès de son mari, Roland. Le prétexte ? Des fraises moisies au fond du frigo. Mais ce dernier n'émet au son.

Au courant de l'après midi, elle va quand même au marché en acheter d'autres. Malgré ses problèmes de santé, elle continue à marcher mais personne ne fait attention à elle à part un commerçant et le facteur.

Elle se souvient du temps où Roland la sortait de temps en temps et avaient de nombreux contacts. Mais, depuis quelques temps ,, plus rien. Elle s'enfonce même dans l'isolement. Elle est même contente quelque part. Elle a son mari chez elle, assis dans son fauteuil durant des journées entières. Qu'il mange ses fraises ou pas...

Pourtant, ce 13 Décembre 2009, les choses vont changer. La factrice remplaçante arrive avec la pension. Comme tous les mois. Se trouvant devant la porte, elle sonne plusieurs fois. N'ayant aucune réponse, elle s'inquiète et fait le tour de la maison.

En regardant par la fenêtre, un détail la choque : un amas de mouche. En plein mois de Décembre. Elle a une drôle de pressentiement et retourne à la porte pour sonner de nouveau. Puis, elle entends une chute. Elle n'hésite pas, elle appelle les secours.

En quelques minutes, la police et les pompiers sont là, défoncent la porte et trouve Nelly par terre. Tout va bien. Par contre, ce qui attire les secours, c'est cette étrange odeur de pourriture. Après une rapide inspection, ils découvrent ..... une momie sur un fauteuil. Ou plutôt le corps d'un homme. Il ne reste plus qu'un squelette, enveloppé d'une peau cireuse et jaunie.

Selon le médecin légiste, Roland serait mort depuis 3 mois d'une crise cardiaque. Nelly a-t-ell eu conscience que son mari était mort ? Même après 15 jours, elle n'y croit. "Je lui parlait encore hier"disait elle. Elle ne comprend pas. Le retraité est mort sans un bruit. Et Nelly ne s'en est pas aperçue. Elle a continué à lui acheté les fraises.

Ce qui est triste dans cette affaire, c'est le manque de communication entre voisins ou entre habitants de la même ville.

Depuis, Roland a été incinéré. Leur fils, qui n'est pas venu depuis longtemps, est venu et Nelly a été admise dans une institution. En espérant qu'elle trouve quelqu'un à qui parler.....
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30 décembre 2009 3 30 /12 /décembre /2009 10:36

L'AFFAIRE EXPLOSE EN 1898

« J'accuse…! » : l'affaire Dreyfus devient l'Affaire

Zola donne le 13 janvier 1898 une nouvelle dimension à l'affaire Dreyfus, qui devient l'Affaire. Premier grand intellectuel dreyfusard, il est alors au sommet de sa gloire : les vingt volumes des Rougon-Macquart ont été diffusés dans des dizaines de pays. C'est une sommité du monde littéraire, et en a pleinement conscience. Au général de Pellieux, il affirme pendant son procès :

« Je demande au général de Pellieux s'il n'y a pas différentes façons de servir la France ? On peut la servir par l'épée ou par la plume. M. le général de Pellieux a sans doute gagné de grandes victoires ! J'ai gagné les miennes. Par mes œuvres, la langue française a été portée dans le monde entier. J'ai mes victoires ! Je lègue à la postérité le nom du général de Pellieux et celui d'Émile Zola : elle choisira ! »

Scandalisé par l'acquittement d'Esterházy, Zola décide de frapper un coup. Il publie en première page de L'Aurore, un article de 4 500 mots sur six colonnes à la une, en forme de lettre ouverte au président Félix Faure. Clemenceau trouve le titre : « J'Accuse…! ». Vendu habituellement à trente mille exemplaires, le journal diffuse ce jour là près de trois cent mille copies. Cet article fait l'effet d'une bombe. Le papier est une attaque directe, explicite et nominale. Tout ceux qui ont comploté contre Dreyfus sont dénoncés, y compris le ministre de la Guerre, l'État-Major. L'article comporte de nombreuses erreurs, majorant ou minorant les rôles de tel ou tel acteur, mais Zola n'a pas prétendu faire œuvre d'historien.

« J'Accuse…! » apporte pour la première fois la réunion de toutes les données existantes sur l'Affaire. Le but de Zola est de s'exposer volontairement afin de forcer les autorités à le traduire en justice. Son procès servirait d'occasion pour un nouvel examen public des cas Dreyfus et Esterházy. Il va ici à l'encontre de la stratégie de Scheurer-Kestner et Lazare, qui prônaient la patience et la réflexion. Devant le succès national et international de ce coup d'éclat, le procès est inévitable. À partir de ce moment critique, l'Affaire suit deux voies parallèles. D'une part, l'État utilise son appareil pour imposer la limitation du procès à une simple affaire de diffamation, afin de le dissocier des cas Dreyfus et Esterházy, déjà jugés. D'autre part, les conflits d'opinion tentent de peser sur les juges ou le gouvernement, pour obtenir les uns la révision et les autres la condamnation de Zola. Mais l'objectif du romancier est atteint : l'ouverture d'un débat public aux assises.

Le 15 janvier, Le Temps publie une pétition réclamant la révision du procès. Y figurent les noms d'Émile Zola, Anatole France, Émile Duclaux, le directeur de l'Institut Pasteur, Daniel Halévy, Fernand Gregh, Félix Fénéon, Marcel Proust, Lucien Herr, Charles Andler, Victor Bérard, François Simiand, Georges Sorel, puis le peintre Claude Monet, l'écrivain Jules Renard, le sociologue Émile Durkheim, l'historien Gabriel Monod, etc. Dans L'Aurore du 23 janvier, Clemenceau, au nom d'une « pacifique révolte de l'esprit français », reprend positivement le terme d' « intellectuels ». Le 1er février, Barrès fustige ceux-ci dans le Journal. L'anti-intellectualisme devient un thème majeur des intellectuels de droite, qui reprochent aux dreyfusards de réfléchir au-delà des intérêts de la nation, argument qui se retrouve tout au long des années qui suivent, et qui constitue le fond du débat public : la préférence entre Justice et Vérité ou défense de la nation, préservation sociale et raison supérieure de l'État. Cette mobilisation des intellectuels ne se double pas dans un premier temps de celle de la gauche politique : le 19 janvier, les députés socialistes prennent leurs distances face aux « deux factions bourgeoises rivales ».

Les procès Zola

Le général Billot, ministre de la Guerre, porte plainte contre Zola et Alexandre Perrenx, le gérant de L'Aurore, qui passent devant les Assises de la Seine du 7 au 23 février 1898. La diffamation envers une autorité publique est alors passible des Assises, alors que l'injure publique proférée par la presse nationaliste et antisémite n'amène que très peu de poursuites, et surtout quasiment aucune condamnation. Le ministre ne retient que trois passages de l'article, soit dix-huit lignes sur plusieurs centaines. Il est reproché à Zola d'avoir écrit que le Conseil de guerre avait commis une « illégalité […] par ordre ». Le procès s’ouvre dans une ambiance de grande violence : Zola fait l'objet « des attaques les plus ignominieuses », tout comme d'importants soutiens et félicitations

Fernand Labori, l’avocat de Zola, fait citer environ deux cents témoins. La réalité de l'Affaire Dreyfus, inconnue du grand public, est diffusée dans la presse. Plusieurs journaux publient les notes sténographiques in extenso des débats au jour le jour, ce qui édifie la population. Celles-ci constituent pour les dreyfusards un outil primordial pour les débats postérieurs. Cependant, les nationalistes, derrière Henri Rochefort, sont alors les plus visibles et organisent des émeutes, forçant le préfet de police à intervenir afin de protéger les sorties de Zola à chaque audience.

Ce procès est aussi le lieu d'une véritable bataille juridique, dans laquelle les droits de la défense sont sans cesse bafoués. De nombreux observateurs prennent conscience de la collusion entre le monde politique et les militaires. À l'évidence, la Cour a reçu des instructions pour que la substance même de l'erreur judiciaire ne soit pas évoquée. Le président Delegorgue prétextant l'allongement de durée des audiences, jongle sans cesse avec le droit pour que le procès ne traite que de la diffamation reprochée à Zola. Sa phrase « la question ne sera pas posée », répétée des dizaines de fois, devient célèbre.

Zola est condamné à un an de prison et à 3 000 francs d'amende, la peine maximale. Cette dureté est imputable à l'atmosphère de violence entourant le procès : « La surexcitation de l'auditoire, l'exaspération de la foule massée devant le palais de Justice étaient si violentes qu'on pouvait redouter les excès les plus graves si le jury avait acquitté M. Zola. » Cependant, le procès Zola est plutôt une victoire pour les dreyfusards. En effet, l’Affaire et ses contradictions ont pu être largement évoquées tout au long du procès, en particulier par des militaires. De plus, la violence des attaques contre Zola, et l'injustice de sa condamnation renforcent l'engagement des dreyfusards : Stéphane Mallarmé se déclare « pénétré par la sublimité de [l']Acte [de Zola] » et Jules Renard écrit dans son journal : « À partir de ce soir, je tiens à la République, qui m'inspire un respect, une tendresse que je ne me connaissais pas. Je déclare que le mot Justice est le plus beau de la langue des hommes, et qu'il faut pleurer si les hommes ne le comprennent plus. » Le sénateur Ludovic Trarieux et le juriste catholique Paul Viollet fondent la Ligue pour la défense des droits de l'homme. Plus encore que l'affaire Dreyfus, l'affaire Zola opère un regroupement des forces intellectuelles en deux camps opposés.

Le 2 avril, une demande de pourvoi en cassation reçoit une réponse favorable. Il s'agit de la première intervention de la Cour dans cette affaire judiciaire. La plainte aurait en effet dû être portée par le Conseil de guerre et non par le ministre. Le procureur général Manau est favorable à la révision du procès Dreyfus et s’oppose fermement aux antisémites. Les juges du Conseil de guerre, mis en cause par Zola, portent plainte pour diffamation. L’affaire est déférée devant les assises de Seine-et-Oise à Versailles où le public passe pour être plus favorable à l’Armée, plus nationaliste. Le 23 mai 1898, dès la première audience, Me Labori se pourvoit en cassation en raison du changement de juridiction. Le procès est ajourné et les débats sont repoussés au 18 juillet. Labori conseille à Zola de quitter la France pour l'Angleterre avant la fin du procès, ce que fait l'écrivain, accompagné de sa femme. Les accusés sont de nouveau condamnés. Quant au colonel Picquart, il se retrouve à nouveau en prison.

Henry démasqué, l'Affaire rebondit

L'acquittement d'Esterházy, les condamnations d'Émile Zola et de Georges Picquart, et la présence continue d'un innocent au bagne, ont un retentissement national et international considérables. La France expose un arbitraire étatique contredisant les principes républicains fondateurs. L'antisémitisme fait des progrès considérable, et les émeutes sont courantes pendant toute l'année 1898. Cependant, les hommes politiques en restent encore au déni de l'Affaire. En avril et mai 1898, ils sont surtout préoccupés par les élections législatives, après lesquelles Jaurès perd son siège de député de Carmaux. La majorité reste modérée, et un groupe parlementaire antisémite apparaît à la Chambre. Cependant, la cause dreyfusarde est relancée.

En effet, Godefroy Cavaignac, nouveau ministre de la Guerre et anti-révisionniste farouche, veut démontrer définitivement la culpabilité de Dreyfus, en « tordant le cou » au passage à Esterházy, qu'il tient pour « un mythomane et un maître chanteur ». Il est absolument convaincu de la culpabilité de Dreyfus, renforcé dans cette idée par la légende des aveux, après avoir rencontré le principal témoin, le capitaine Lebrun-Renault. Cavaignac a l'honnêteté d'un doctrinaire intransigeant[178], mais ne connaît absolument pas les dessous de l'Affaire, que l'État-Major s'est gardé de lui enseigner. Il avait eu la surprise d'apprendre que l'ensemble des pièces sur lesquelles l'accusation se basait n'avaient pas été expertisées, Boisdeffre ayant « une confiance absolue » en Henry. Il décide d'enquêter lui-même, dans son bureau avec ses adjoints, et rapatrie le dossier secret qui compte alors 365 pièces.

Le 7 juillet 1898, lors d'une interpellation à la Chambre, Cavaignac fait état de trois pièces « accablantes, entre mille », dont deux n'ont aucun rapport avec l'Affaire, et l'autre est le faux d'Henry. Le discours de Cavaignac est efficace : les députés l'ovationnent et votent l'affichage du discours avec la reproduction des trois preuves dans les 36 000 communes de France à 572 voix. Les antidreyfusards triomphent, mais Cavaignac a reconnu implicitement que la défense de Dreyfus n'avait pas eu accès à toutes les preuves : la demande en annulation formulée par Lucie Dreyfus devient recevable. Le lendemain, le colonel Picquart déclare dans Le Temps au président du Conseil : « Je suis en état d'établir devant toute juridiction compétente que les deux pièces portant la date de 1894 ne sauraient s'appliquer à Dreyfus et que celle qui portait la date de 1896 avait tous les caractères d'un faux. », ce qui lui vaut onze mois de prison.

Le 13 août au soir, le capitaine Cuignet, attaché au cabinet de Cavaignac, qui travaille à la lumière d'une lampe, observe que la couleur du léger quadrillage du papier de l'entête et du bas de page ne correspondent pas avec la partie centrale. Cavaignac tente encore de trouver des raisons logiques à la culpabilité et la condamnation de Dreyfus mais ne tait pas sa découverte. Un conseil d'enquête est formé pour enquêter sur Esterházy, devant lequel celui-ci panique et avoue ses rapports secrets avec le commandant du Paty de Clam. La collusion entre l'État-Major et le traître est révélée. Le 30 août, Cavaignac se résigne à demander des explications au colonel Henry, en présence de Boisdeffre et Gonse. Après une heure d'interrogatoire mené par le ministre lui-même, Henry s'effondre et fait des aveux complets. Il est placé aux arrêts de forteresse au Mont-Valérien et se suicide[185],[186] le lendemain en se tranchant la gorge avec un rasoir. La demande de révision déposée par Lucie Dreyfus ne peut plus être repoussée. Pourtant, Cavaignac affirme : « moins que jamais ! », mais le président du Conseil, Henri Brisson, le force à démissionner. Malgré son rôle, apparemment totalement involontaire, dans la révision du procès de 1894, il reste un antidreyfusard convaincu et fait une intervention méprisante et blessante envers Dreyfus au procès de Rennes.

Les antirévisionnistes ne se considèrent pas battus. Le 6 septembre, Charles Maurras publie un éloge d'Henry dans La Gazette de France, qu'il qualifie de « serviteur héroïque des grands intérêts de l'État ». La Libre Parole, journal antisémite de Drumont, propage la notion de « faux patriotique ». Le même journal lance en décembre une souscription au profit de sa veuve, afin d'ériger un monument à la gloire d'Henry. Chaque donation est accompagnée de remarques lapidaires sur Dreyfus et les dreyfusards, souvent injurieuses. 14 000 souscripteurs, dont 53 députés, envoient 131 000 francs. Le 3 septembre 1898, le président du Conseil, Brisson, incite Mathieu Dreyfus à déposer une demande en révision du Conseil de guerre de 1894. Le gouvernement transfère le dossier à la Cour de cassation, pour avis sur les quatre années de procédures passées.

La France est réellement divisée en deux, mais aucune généralisation n'est possible : la communauté juive s'engage peu, les intellectuels ne sont pas tous dreyfusards, les protestants sont partagés, des marxistes refusent de soutenir Dreyfus. Le clivage transcende les religions et milieux sociaux, comme l'illustre la célèbre caricature de Caran d'Ache « Un dîner en famille ».

Crise et recomposition du paysage politique

Henry est mort, Boisdeffre a démissionné, Gonse n'a plus aucune autorité et du Paty a été très gravement compromis par Esterházy : pour les conjurés, c'est la débâcle. Le gouvernement est désormais pris entre deux feux : la loi et le droit contre la pression nationaliste de la rue et du commandement supérieur qui se reprend. Cavaignac, démissionné pour avoir continué à répandre sa vision antidreyfusarde de l'Affaire, se pose en chef de file antirévisionniste. Le général Zurlinden qui lui succède, influencé par l'État-Major, rend un avis négatif à la révision le 10 septembre, conforté par la presse extrémiste pour laquelle, « la révision, c'est la guerre ». L'obstination du gouvernement, qui vote le recours à la Cour de cassation le 26 septembre, amène la démission de Zurlinden, remplacé aussitôt par le général Chanoine. Celui-ci, lors d'une interpellation à la Chambre, donne sa démission, la confiance étant refusée à Brisson, contraint lui aussi à la démission. L'instabilité ministérielle entraîne une certaine instabilité gouvernementale.

Le 1er novembre, le progressiste Charles Dupuy est nommé à la place de Brisson. En 1894, il avait couvert les agissements du général Mercier aux débuts de l'affaire Dreyfus ; quatre ans plus tard, il annonce qu'il suivra les arrêts de la Cour de cassation, barrant la route à ceux qui veulent étouffer la révision et dessaisir la Cour. Le 5 décembre, à la faveur d'un débat à la Chambre sur la transmission du « dossier secret » à la Cour de cassation, la tension monte encore d'un cran. Les injures, invectives et autres violences nationalistes font place aux menaces de soulèvement. Paul Déroulède déclare : « S'il faut faire la guerre civile, nous la ferons. »

Une nouvelle crise survient au sein même de la Cour de cassation, dès lors que Quesnay de Beaurepaire, président de la chambre civile, accuse la chambre criminelle de dreyfusisme par voie de presse. Il démissionne le 8 janvier 1899 en héros de la cause nationaliste. Cette crise aboutit au dessaisissement de la chambre criminelle au profit des chambres réunies. C'est le blocage de la révision.

En 1899, l'Affaire occupe de plus en plus la scène politique. Le 16 février 1899, le président de la République Félix Faure meurt. Émile Loubet est élu, une avancée pour la cause de la révision, le précédent président en étant un farouche opposant. Le 23 février, à la faveur des funérailles de Félix Faure, Déroulède tente un coup de force sur l'Élysée. C'est un échec, les militaires ne se ralliant pas. Le 4 juin, Loubet est agressé sur le champ de course de Longchamp. Ces provocations, auxquelles s'ajoutent les manifestations permanentes de l'extrême-droite, bien qu'elle ne mettent jamais réellement la République en danger, créent un sursaut républicain qui conduit à la formation d'un « gouvernement de défense républicaine » autour de Waldeck-Rousseau le 22 juin. Les républicains progressistes antidreyfusards, tel Méline, sont rejetés à droite. L'affaire Dreyfus a conduit à une recomposition claire du paysage politique français.

La cassation du jugement de 1894

La Cour de cassation examine l'affaire, dans un contexte de campagnes de presse à l'encontre de la chambre criminelle, les magistrats étant constamment traînés dans la boue dans les journaux nationalistes depuis le scandale de Panamá. Le 26 septembre 1898, après un vote du Cabinet, le garde des Sceaux saisit la Cour de cassation. Le 29 octobre, à l'issue de la communication du rapport du rapporteur Alphonse Bard, la chambre criminelle de la Cour déclare « la demande recevable et dit qu'il sera procédé par elle à une instruction supplémentaire ».

Le rapporteur Louis Loew préside. Il est l'objet d'une très violente campagne d'injures antisémites, alors qu'il est protestant alsacien, accusé d'être un déserteur, un vendu aux Prussiens. Malgré les silences complaisants de Mercier, Billot, Zurlinden et Roget qui se retranchent derrière l'autorité de la chose jugée et le secret d'État, la compréhension de l'Affaire augmente. Cavaignac fait une déposition de deux jours, mais ne parvient pas à démontrer la culpabilité de Dreyfus. Au contraire il le disculpe involontairement par une démonstration de la datation exacte du bordereau (août 1894).

Puis Picquart démontre l'ensemble des rouages de l’erreur puis de la conspiration. Dans une décision du 8 décembre 1898 en représailles au dessaisissement qui s'annonce, Picquart est écarté du Conseil de guerre par la chambre criminelle. C'est un nouvel obstacle aux volontés de l’État-Major. Une nouvelle campagne de presse furieusement antisémite éclate à l'occasion de cet événement, alors que L'Aurore du 29 octobre titre « Victoire » dans les mêmes caractères que « J'Accuse…! ». Le travail d'enquête est tout de même repris par la chambre criminelle. Le « dossier secret » est analysé à partir du 30 décembre, et la chambre demande la communication du dossier diplomatique, ce qui est accordé.

Le 9 février, la chambre criminelle rend son rapport en mettant en exergue deux faits majeurs : il est certain qu'Esterházy a utilisé le même papier pelure que le bordereau et le dossier secret est totalement vide. Ces deux faits majeurs anéantissent à eux seuls toutes les procédures à l'encontre d'Alfred Dreyfus. Mais parallèlement, pour faire suite à l'incident de Beaurepaire, le président Mazeau instruit une enquête sur la chambre criminelle, qui aboutit au dessaisissement de celle-ci « afin de ne pas la laisser porter seule toute la responsabilité de la sentence définitive », ce qui prive la chambre criminelle de la poursuite des actions qui découleraient de son rapport.

Le 28 février, Waldeck-Rousseau s'exprime au Sénat sur le fond et dénonce la « conspiration morale » au sein du gouvernement et dans la rue. La révision n'est plus évitable. Le 1er mars 1899, le nouveau président de la chambre civile de la Cour de cassation, Alexis Ballot-Beaupré est nommé rapporteur pour l'examen de la demande de révision. Il aborde le dossier en juriste et décide d'un supplément d'enquête. Dix témoins complémentaires sont interrogés, lesquels affaiblissent encore la version de l'État-Major. Dans le débat final et par un modèle d'objectivité, le président Ballot-Beaupré démontre l'inanité du bordereau, la seule charge contre Dreyfus. Le procureur Manau abonde dans le sens du président. Me Mornard qui représente Lucie Dreyfus plaide sans aucune difficulté ni opposition du parquet.

Le 3 juin 1899, les chambres réunies de la Cour de cassation cassent le jugement de 1894 en audience solennelle. L’affaire est renvoyée devant le Conseil de guerre de Rennes. Les conséquences sont immédiates : Zola, exilé en Angleterre, revient en France, Picquart est libéré, Mercier est accusé de communication illégale de pièces. Par cet arrêt, la Cour de cassation s'impose comme une véritable autorité, capable de tenir tête à l'armée et au pouvoir politique. Pour de nombreux Dreyfusards cette décision de justice est l'antichambre de l'acquittement du capitaine ; ils oublient de considérer que c'est de nouveau l'armée qui le juge. La Cour, en cassant avec renvoi, a cru en l'autonomie juridique du Conseil de guerre sans prendre en compte les lois de l'esprit de corps.

LE PROCES DE RENNES

Déroulement du procès

Le prisonnier n'est en rien au courant des événements qui se déroulent à des milliers de kilomètres de lui. Ni des complots ourdis pour que jamais il ne puisse revenir, ni de l'engagement d'innombrables honnêtes hommes et femmes à sa cause. L'administration pénitentiaire filtre les informations qu'elle jugeait confidentielles. À la fin de l'année 1898, il apprend avec stupéfaction la dimension réelle de l'Affaire, dont il ne sait rien : l'accusation de son frère contre Esterházy, l'acquittement du traître, l'aveu et le suicide d'Henry, ceci à la lecture du dossier d'enquêtes de la Cour de cassation qu'il reçoit deux mois après sa publication. Le 5 juin 1899, Alfred Dreyfus est prévenu de la décision de cassation du jugement de 1894. Le 9 juin, il quitte l'île du Diable, cap vers la France, enfermé dans une cabine comme un coupable qu'il n'est pourtant plus. Il débarque le 30 juin à Port Haliguen, sur la presqu'île de Quiberon, dans le plus grand secret, « par une rentrée clandestine et nocturne ». Après cinq années de martyre, il retrouve le sol natal, mais il est immédiatement enfermé dès le 1er juillet à la prison militaire de Rennes. Il est déféré le 7 août devant le Conseil de guerre de la capitale bretonne.

Le général Mercier, champion des antidreyfusards, intervient constamment dans la presse, pour réaffirmer l'exactitude du premier jugement : Dreyfus est bien le coupable. Mais immédiatement, des dissensions se font jour dans la défense de Dreyfus. Ses deux avocats sont en effet sur des stratégies opposées. Me Demange souhaite se tenir sur la défensive et obtenir simplement l'acquittement de Dreyfus. Me Labori, brillant avocat de 35 ans, offensif, cherche à frapper plus haut ; il veut la défaite de l'État-Major, son humiliation publique. Mathieu Dreyfus a imaginé une complémentarité entre les deux avocats. Le déroulement du procès montre l'erreur, dont va se servir l'accusation, devant une défense si affaiblie.

Le procès d'Alfred Dreyfus au Conseil de guerre de Rennes

Le procès s’ouvre le 7 août 1899 dans un climat de violence inouïe. Rennes est en état de siège. Les juges du Conseil de guerre sont sous pression. Esterházy, qui a avoué la paternité du bordereau, en exil en Angleterre, et du Paty, se sont faits excuser. Dreyfus apparaît, l’émotion est forte. Son apparence physique bouleverse ses partisans et certains de ses adversaires. Malgré sa condition physique dégradée, il a une maîtrise complète du dossier, acquise en seulement quelques semaines. Tout l'État-Major témoigne contre Dreyfus sans apporter aucune preuve. On ne fait que s’entêter et on considère comme nuls les aveux d’Henry et d’Esterházy. Le procès tend même à déraper, dans la mesure où les décisions de la Cour de cassation ne sont pas prises en compte. On discute notamment du bordereau, alors que la preuve a été apportée de la culpabilité d’Esterházy. Pourtant, Mercier se fait huer à la sortie de l'audience. La presse nationaliste et antidreyfusarde se perd en conjectures sur son silence à propos de la « preuve décisive » (le pseudo bordereau annoté par le Kaiser, dont personne ne verra jamais aucune preuve), dont il n'avait cessé de faire état avant le procès.

Le 14 août, Me Labori est victime d'un attentat sur son parcours vers le tribunal. Il se fait tirer dans le dos par un extrémiste qui s'enfuit et ne sera jamais retrouvé. L'avocat est écarté des débats pendant plus d'une semaine, au moment décisif de l'interrogatoire des témoins. Le 22 août, son état s'étant amélioré, il est de retour. Les incidents entre les deux avocats de Dreyfus se multiplient, Labori reprochant à Demange sa trop grande prudence. Le gouvernement, devant le raidissement militaire du procès, pouvait agir encore de deux manières pour infléchir les événements ; en faisant appel à un témoignage de l'Allemagne ou par l'abandon de l'accusation. Mais ces tractations en arrière-plan sont sans résultats. L'ambassade d'Allemagne adresse un refus poli au gouvernement. Le ministre de la guerre, le général Gaston de Galliffet, fait envoyer un mot respectueux au commandant Louis Carrière, commissaire du gouvernement. Il lui demande de rester dans l'esprit de l'arrêt de révision de la Cour de cassation. L'officier feint de ne pas comprendre l'allusion et aidé de l'avocat nationaliste Auffray, âme véritable de l'accusation, il fait un réquisitoire contre Dreyfus. Du côté de la défense, il faut prendre une décision, car l'issue du procès s'annonce mal, malgré l'évidence de l'absence de charges contre l'accusé. Au nom du président du Conseil, Waldeck-Rousseau, aidé de Jaurès et Zola, Me Labori est convaincu de renoncer à sa plaidoirie pour ne pas heurter l'armée. On décide de jouer la conciliation en échange de l'acquittement que semble promettre le gouvernement. Mais c'est un nouveau jeu de dupes. Me Demange, seul et sans illusions, assure la défense de Dreyfus, dans une atmosphère de guerre civile.

À Paris, les agitateurs antisémites et nationalistes d’Auteuil sont arrêtés. Jules Guérin et ceux qui se sont enfuis et retranchés dans le Fort Chabrol sont assaillis par la police.

Nouvelle condamnation

Le 9 septembre 1899, la Cour rend son verdict : Dreyfus est reconnu coupable de trahison mais « avec circonstances atténuantes » (par 5 voix contre 2), condamné à dix ans de réclusion et à une nouvelle dégradation. Contrairement aux apparences, ce verdict est au bord de l'acquittement à une voix près. Le code de justice militaire prévoyait en effet le principe de minorité de faveur à trois voix contre quatre.

Ce verdict absurde a les apparences d'un aveu coupable des membres du Conseil de guerre. Ils semblent ne pas vouloir renier la décision de 1894, et savent bien que le dossier ne repose que sur du vent. Mais on peut aussi interpréter cette décision comme un verdict habile, car les juges, tout en ménageant leurs pairs ainsi que les modérés angoissés par les risques de guerre civile, reconnaissent implicitement l'innocence de Dreyfus (peut-on trahir avec des circonstances atténuantes ?).

Le lendemain du verdict, Alfred Dreyfus, après avoir beaucoup hésité, dépose un pourvoi en révision. Waldeck-Rousseau, dans une position difficile, aborde pour la première fois la grâce. Pour Dreyfus, c'est accepter la culpabilité. Mais à bout de force, éloigné des siens depuis trop longtemps, il accepte. Le décret est signé le 19 septembre et il est libéré le 21 septembre 1899. Nombreux sont les dreyfusards frustrés par cet acte final. L'opinion publique accueille cette conclusion de manière indifférente. La France aspire à la paix civile et à la concorde à la veille de l'exposition universelle de 1900 et avant le grand combat que la République s'apprête à mener pour la liberté des associations et la laïcité.

C'est dans cet esprit que le 17 novembre 1899, Waldeck-Rousseau dépose une loi d’amnistie couvrant « tous les faits criminels ou délictueux connexes à l’Affaire Dreyfus ou ayant été compris dans une poursuite relative à l’un de ces faits ». Les dreyfusards s’insurgent, ils ne peuvent accepter que les véritables coupables soient absous de leurs crimes d'État, alors même que Zola et Picquart doivent toujours passer en jugement. Malgré d'immenses protestations, la loi est adoptée. Il n’existe alors plus aucun recours possible pour obtenir que l’innocence de Dreyfus soit reconnue ; il faut désormais trouver un fait nouveau pouvant entraîner la révision.

Réactions

Les réactions en France sont vives, faites de « stupeur et de tristesse » dans le camp révisionniste. Pourtant d'autres réactions tendent à montrer que le « verdict d'apaisement » rendu par les juges est compris et accepté par la population. Les Républicains cherchent avant tout la paix sociale, pour tourner la page de cette longue affaire extrêmement polémique. Aussi, les manifestations sont très peu nombreuses en province, alors que l'agitation persiste quelque peu à Paris[224]. Dans le monde militaire, l'apaisement est aussi de rigueur. Deux des sept juges ont voté l'acquittement. Ils ont refusé de céder à l'ordre militaire implicite. Ceci est aussi clairement perçu. Dans une apostrophe à l'armée, Galliffet annonce : « l'incident est clos ».

Des manifestations anti-françaises ont lieu dans vingt capitales étrangères ; la presse est scandalisée. Les réactions sont de deux ordres. Les Anglo-saxons, légalistes, se focalisent sur l'affaire d'espionnage et contestent assez violemment ce verdict de culpabilité sans arguments positifs à son édification. À ce titre, le rapport du Lord Chief Justice d'Angleterre, Lord Russell of Killowen, à la reine Victoria le 16 septembre 1899, est un symbole de la répercussion mondiale de l'Affaire en Grande-Bretagne. Le magistrat anglais, qui s'était rendu en observateur à Rennes, critique les faiblesses du Conseil de Guerre :

« Les juges militaires « n'étaient pas familiers de la loi » […]. Ils manquaient de l'expérience et de l'aptitude qui permettent de voir la preuve derrière le témoignage. […] Ils agirent en fonction de ce qu'ils considéraient comme l'honneur de l'armée. […] ils accordèrent trop d'importance aux fragiles allégations qui furent seules présentées contre l'accusé. Ainsi conclut-il : Il parait certain que si le procès de révision avait eu lieu devant la Cour de cassation, Dreyfus serait maintenant un homme libre. »

En Allemagne et en Italie, les deux pays largement mis en cause par les procès contre Dreyfus, c'est le soulagement. Même si l'Empereur d'Allemagne regrette que l'innocence de Dreyfus n'ait pas été reconnue, la normalisation des relations franco-prussiennes qui s'annonce est vue comme une détente bienvenue. Aucune des nations n'a intérêt à une tension permanente. La diplomatie des trois puissances, avec l'aide de l'Angleterre, va s'employer à détendre une atmosphère qui ne se dégradera à nouveau qu'à la veille de la Première Guerre mondiale.

Cette conclusion judiciaire a aussi une conséquence funeste sur les relations entre la famille Dreyfus et la branche ultra des dreyfusistes. Fernand Labori, Jaurès et Clemenceau, avec le consentement du général Picquart, reprochent ouvertement à Alfred Dreyfus d'avoir accepté la grâce et d'avoir mollement protesté à la loi d'amnistie. En deux ans après cette conclusion, leur amitié se finissait ainsi, avec de sordides calculs.

La longue marche vers la réhabilitation - 1900-1906

Préférant éviter un troisième procès, le gouvernement décide de gracier Dreyfus, décret que signe le président Loubet le 19 septembre 1899, après de multiples tergiversations. Dreyfus n'est pas pour autant innocenté. Le processus de réhabilitation ne sera achevé que six années plus tard, sans éclat ni passion. De nombreux ouvrages paraissent pendant cette période. Outre les mémoires d'Alfred Dreyfus, Reinach fait paraître son Histoire de l'Affaire Dreyfus, et Jaurès publie Les Preuves. Quant à Zola, il écrit le troisième de ses Évangiles : Vérité. Même Esterházy en profite par des confidences et vend plusieurs versions différentes des textes de sa déposition au consul de France.

Mort de Zola

Le 29 septembre 1902, Zola, l'initiateur de l'Affaire, le premier des intellectuels dreyfusards, meurt asphyxié par la fumée de sa cheminée. Son épouse, Alexandrine, en réchappe de justesse. C'est le choc dans le clan des dreyfusards.

Anatole France, qui a exigé que Dreyfus soit présent aux obsèques, alors que le Préfet de police souhaitait son absence « pour éviter les troubles », lit sa célèbre oraison funèbre à l'auteur de « J'Accuse…! » :

« Devant rappeler la lutte entreprise par Zola pour la justice et la vérité, m'est-il possible de garder le silence sur ces hommes acharnés à la ruine d'un innocent et qui, se sentant perdus s'il était sauvé, l'accablaient avec l'audace désespérée de la peur ?

Comment les écarter de votre vue, alors que je dois vous montrer Zola se dressant, faible et désarmé devant eux ?

Puis-je taire leurs mensonges ? Ce serait taire sa droiture héroïque.

Puis-je taire leurs crimes ? Ce serait taire sa vertu.

Puis-je taire les outrages et les calomnies dont ils l'ont poursuivi ? Ce serait taire sa récompense et ses honneurs.

Puis-je taire leur honte ? Ce serait taire sa gloire.

Non, je parlerai.

Envions-le : il a honoré sa patrie et le monde par une œuvre immense et un grand acte.

Envions-le, sa destinée et son cœur lui firent le sort le plus grand.

Il fut un moment de la conscience humaine. »

LA SEMI REHABILITATION

Réhabilitation juridique

Les élections de 1902 avaient vu la victoire des gauches. C'est Jean Jaurès, réélu, qui relance l'Affaire le 7 avril 1903 alors que la France la pensait enterrée à jamais. Dans un discours, Jaurès évoque la longue liste des faux qui parsèment le dossier Dreyfus, et insiste particulièrement sur deux pièces saillantes :

     La lettre de démission du général de Pellieux, rédigée en termes très durs. Juridiquement, elle a les formes d'un aveu de la collusion de l'État-Major : « Dupe de gens sans honneur, ne pouvant plus compter sur la confiance des subordonnés sans laquelle le commandement est impossible, et de mon côté, ne pouvant avoir confiance en ceux de mes chefs qui m'ont fait travailler sur des faux, je demande ma mise à la retraite. »

    Le bordereau prétendument annoté (par l'empereur Guillaume II) auquel le général Mercier avait fait allusion au procès de Rennes, et dont le fait rapporté par la presse aurait influencé les juges du Conseil de guerre.

Devant ces faits nouveaux, le général André, nouveau ministre de la Guerre, mène une enquête à l'instigation d'Émile Combes, assisté de magistrats. L'enquête est menée par le capitaine Targe, officier d'ordonnance du ministre. À l'occasion de perquisitions à la Section de statistiques, il découvre de très nombreuses pièces dont la majorité sont visiblement fabriquées. En novembre 1903, un rapport est remis au garde des Sceaux par le ministre de la Guerre. C'était le respect des règles, dès lors que le ministre constate une erreur commise en Conseil de guerre. C'est le début d'une nouvelle révision, avec une enquête minutieuse qui s'étend sur deux ans.

Les années 1904 et 1905 sont consacrées aux différentes phases judiciaires devant la Cour de cassation. La cour emploie trois moyens (causes) à la révision :

     démonstration de la falsification du télégramme de Panizzardi.

     démonstration du changement de date d'une pièce du procès de 1894 (avril 1895 changé en avril 1894).

     démonstration du fait que Dreyfus n'avait pas fait disparaître les minutes d'attribution de l'artillerie lourde aux armées.

Concernant l'écriture du bordereau, la cour est particulièrement sévère à l'encontre de Bertillon qui a « raisonné mal sur des documents faux ». Le rapport démontre que l'écriture est bien d'Esterházy, ce que ce dernier a d'ailleurs avoué entre-temps. Enfin, la Cour démontre par une analyse complète et subtile du bordereau l'inanité de cette construction purement intellectuelle, et une commission de quatre généraux dirigée par un spécialiste de l'artillerie, le général Sebert, affirme « qu'il est fortement improbable qu'un officier d'artillerie ait pu écrire cette missive ».

Le 9 mars 1905, le procureur général Baudouin rend un rapport de 800 pages dans lequel il réclame la cassation sans renvoi et fustige l'armée. Il amorce un dessaisissement de la justice militaire qui trouve sa conclusion seulement en 1982. Il faut attendre le 12 juillet 1906 pour que la Cour de cassation, toutes chambres réunies, annule sans renvoi le jugement rendu à Rennes en 1899 et prononce « l'arrêt de réhabilitation du capitaine Dreyfus ». Les antidreyfusards crient à la réhabilitation à la sauvette. Mais le but est évidemment politique : il s'agit d'en finir et de tourner la page définitivement. Rien ne peut entamer la conviction des adversaires de Dreyfus. Cette forme est donc la plus directe et la plus définitive. Ce qui est annulé est non seulement l'arrêt de Rennes, mais toute la chaîne des actes antérieurs, à commencer par l'ordre de mise en jugement donné par le général Saussier en 1894. La Cour s'est focalisée sur les aspects juridiques uniquement et constate que Dreyfus ne doit pas être renvoyé devant un Conseil de guerre pour la simple raison qu'il n'aurait jamais dû y passer, devant l'absence totale de charges.

« Attendu, en dernière analyse, que de l'accusation portée contre Dreyfus, rien ne reste debout ; et que l'annulation du jugement du Conseil de guerre ne laisse rien subsister qui puisse à sa charge être qualifié crime ou délit ; dès lors, par application du paragraphe final de l'article 445 aucun renvoi ne doit être prononcé. »

L'injustice militaire

Dreyfus est réintégré partiellement dans l'armée, au grade de chef d'escadron (commandant), par la loi du 13 juillet 1906. Ses cinq années d'incarcération ne sont pas prises en compte pour la reconstitution de sa carrière, et il ne peut plus prétendre à un grade d'officier général. Cette décision brise tout espoir d'une carrière digne de ses réussites antérieures à son arrestation de 1894. Il est donc contraint à une douloureuse démission en juin 1907. Les magistrats ne pouvaient rien contre cette ultime injustice volontairement commise. Le droit et l'égalité avaient été encore une fois bafoués. Dreyfus n'a jamais demandé aucun dédommagement à l'État, ni dommages-intérêts à qui que ce soit. La seule chose qui lui importait, c'était la reconnaissance de son innocence.

Le 4 juin 1908, à l'occasion du transfert des cendres d'Émile Zola au Panthéon, Alfred Dreyfus est la cible d'un attentat. Louis-Anthelme Grégori, journaliste d'extrême droite, adjoint de Drumont, tire deux coups de revolver et blesse Dreyfus légèrement au bras. Il s'agissait, pour l'Action française, de perturber au mieux cette cérémonie en visant « les deux traîtres » : Zola et Dreyfus. Mais aussi de refaire le procès Dreyfus au travers d'un nouveau procès, une revanche en quelque sorte. Le procès aux Assises de la Seine, d'où Grégori sort acquitté, dernière d'une longue série de fautes judiciaires, est l'occasion de nouvelles émeutes antisémites que le gouvernement réprime mollement.

Officier de réserve, Dreyfus participe à la guerre de 1914-1918 au camp retranché de Paris, comme chef d'un parc d'artillerie, puis affecté au Chemin des Dames et à Verdun. Il termine sa carrière militaire au grade de colonel. Il meurt le 12 juillet 1935 à l'âge de soixante-seize ans dans l'indifférence générale. Le colonel Picquart est lui aussi réhabilité officiellement et réintégré dans l'armée au grade de général de brigade. Il est même ministre de la Guerre de 1906 à 1909 dans le premier gouvernement Clemenceau. Il meurt en 1914 d'un accident de cheval.

CONSEQUENCES DE L'AFFAIRE DREFUS

L'affaire Dreyfus a-t-elle laissé une trace ? Quel héritage la société française peut-elle retirer de ces douze années ? Pour certains, l'affaire Dreyfus a marqué la société française au fer rouge. Tous les compartiments de la société sont touchés, certains sont bouleversés.

Bilan fin de siècle, caricature anti-républicaine parue dans Le Pèlerin en 1900

Des conséquences politiques

L'affaire fait revivre l'affrontement des deux France. Toutefois, cette opposition a servi l'ordre républicain, selon tous les historiens. On assiste en effet à un renforcement de la démocratie parlementaire et à un échec des forces monarchistes et réactionnaires. L'excessive violence des partis nationalistes a rassemblé les républicains en un front uni, qui met en échec les tentatives de retour à l'ordre ancien. À court terme, les forces politiques progressistes, issues des élections de 1893, confirmées en 1898, en pleine affaire Dreyfus, disparaissent en 1899. Le choc des procès Esterházy et Zola amène une politique dreyfusienne dont le but est de développer une conscience républicaine et de lutter contre le nationalisme autoritaire qui s'exprime lors de l'Affaire. Car la progression désinhibée d'un nationalisme de type populiste est une autre grande conséquence de l'événement dans le monde politique français, et ce même s'il n'est pas né avec l'affaire Dreyfus, puisque le nationalisme est théorisé par Maurice Barrès dès 1892. Le nationalisme connaît des hauts et des bas, mais parvient à se maintenir en tant que force politique, sous le nom d'Action française, jusqu’à la défaite de 1940, lorsque après cinquante ans de combat, elle accède au pouvoir et peut, vieux rêve de Drumont, « purifier » l'État avec les conséquences que chacun sait. On note à cette occasion le ralliement de nombreux républicains à Vichy, sans qui le fonctionnement de l'État eût été précaire, montrant en cela la fragilité de l'institution républicaine dans des circonstances extrêmes. À la libération, Charles Maurras, condamné le 25 janvier 1945 pour faits de collaboration, s'écrie au verdict : « C'est la revanche de Dreyfus ! »

Elle amène par effet de réaction, l'autre conséquence, une mutation intellectuelle du socialisme. Jaurès est un dreyfusard tardif (janvier 1898), convaincu par les socialistes révolutionnaires. Mais son engagement devient résolu, aux côtés de Georges Clemenceau à partir de 1899, sous l'influence de Lucien Herr. L'année 1902 voit la naissance de deux partis : le Parti socialiste français, qui rassemble les jaurésiens, et le Parti socialiste de France, sous influence de Guesde et Vaillant. Les deux partis fusionnent en 1905 en une Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO).

Par ailleurs, 1901 voit la naissance du Parti républicain radical-socialiste, premier parti politique moderne conçu comme une machine électorale de rassemblement républicain. Il a une structure permanente et s'appuie sur les réseaux dreyfusards. La création de la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen est contemporaine de l'affaire. C'est le creuset d'une gauche intellectuelle extrêmement active au début du siècle, conscience de la gauche humaniste.

Conséquence finale sur le plan politique, le tournant du siècle voit un renouvellement profond du personnel politique, avec la disparition de grandes figures républicaines, à commencer par Auguste Scheurer-Kestner. Ceux qui à la fin du siècle ont pu peser fortement sur les événements de l'affaire ont désormais disparu, laissant la place à des hommes nouveaux dont l'ambition est de réformer et de corriger les erreurs et défauts.

Des conséquences sociales

Socialement, l'antisémitisme est au-devant de la scène. Préexistant à l'affaire Dreyfus, il s'était exprimé lors des affaires du Boulangisme et du canal de Panamá. Mais il était restreint à une élite intellectuelle. L'affaire Dreyfus répand la haine raciale dans toutes les couches de la société, mouvement certes initié par le succès de La France juive de Drumont en 1886, mais énormément amplifié par les divers épisodes judiciaires et les campagnes de presse pendant près de quinze ans. L'antisémitisme est donc dès lors officiel et exposé dans de nombreux milieux, y compris ouvriers. Des candidats à l'élection législative se prévalent de l'antisémitisme comme mot d'ordre aux élections législatives. Cet antisémitisme est renforcé par la crise de la séparation des églises et de l'État à partir de 1905, l'amenant probablement à son paroxysme en France. Le passage à l'acte est permis par l'avènement du régime de Vichy, qui laisse libre cours à l'expression débridée et complète de la haine raciale. Au sortir de la guerre, la monstruosité de la solution finale s'impose à tous, muselant jusqu’à nos jours l'expression d'un antisémitisme qui peut s'exprimer de temps à autres au travers de déclarations des partis nationalistes, d'autant plus fracassantes qu'elles sont devenues rarissimes. La persistance d'un sentiment antisémite résiduel en France, paraît toujours d'actualité à en juger par certains crimes et délits qui, de temps à autre, peuvent défrayer la chronique.

Autre conséquence sociale, le rôle renforcé de la presse. Pour la première fois, elle a exercé une importante influence sur la vie politique française. On peut parler d'un quatrième pouvoir, dès lors qu'elle se substitue à tous les organes de l'État. Surtout que la haute tenue rédactionnelle de cette presse est principalement issue du travail d'écrivains et de romanciers, qui utilisent les journaux comme un moyen révolutionnaire d'expression. La puissance de cette presse a très certainement porté les hommes politiques à l'action, à l'exemple d'un Mercier qui paraît avoir poussé au procès Dreyfus en 1894 pour plaire à La Libre Parole qui l'attaquait férocement. Cela dit, le rôle de la presse est limité par la diffusion des titres, à la fois importante à Paris et faible à l'échelle nationale. L'ensemble du tirage de la presse nationale paraît tourner autour de quatre millions et demi d'exemplaires, ce qui relativise fortement son influence réelle. On assiste par ailleurs en 1899 à la parution d'une presse spécifique destinée à coordonner la lutte (dans le camp dreyfusiste), avec le Journal du Peuple de Sébastien Faure.

Des conséquences internationales

Le choc de l'affaire Dreyfus a un impact également sur le mouvement sioniste « qui y trouve un terrain propice à son éclosion ».

Le journaliste austro-hongrois Théodore Herzl ressort profondément marqué de l'affaire Dreyfus dont il suit les débuts comme correspondant de la Neue freie Presse de Vienne et assiste à la dégradation d'Alfred Dreyfus en 1895. « L'affaire […] agit comme un catalyseur dans la conversion de Herzl ». Devant la vague d'antisémitisme qui l'accompagne, Herzl se « convainc de la nécessité de résoudre la question juive », qui devient « une obsession pour lui ». Dans Der Judenstaat (l'État des Juifs), il considère que « si la France — bastion de l'émancipation, du progrès et du socialisme universaliste — p[eut] se laisser emporter dans un maelström d'antisémitisme et laisser la foule parisienne scander « À mort les Juifs ! », où ces derniers peuvent-ils encore être en sécurité — si ce n'est dans leur propre pays ? L'assimilation ne résoudra pas le problème parce que le monde des gentils ne le permettra pas, comme l'affaire Dreyfus l'a si clairement démontré ». Le choc est d'autant plus fort qu'ayant vécu toute sa jeunesse en Autriche, pays antisémite, Herzl a choisi d'aller vivre en France pour l'image humaniste dont elle se prévaut à l'abri des excès extrémistes.

Il organise dès 1897, le 1er congrès sioniste à Bâle et est considéré comme l'« inventeur du sionisme en tant que véritable mouvement politique ». L'affaire Dreyfus marque aussi un grand tournant dans la vie de nombreux Juifs d'Europe centrale et occidentale, tout comme les pogroms de 1881-1882 l'avaient fait pour les Juifs d'Europe orientale.

HISTORIOGRAPHIE DE L'AFFAIRE DREYFUS

L'affaire Dreyfus se distingue par le nombre important d'ouvrages publiés à son sujet. Une partie importante de ces publications relève de la simple polémique et ne sont pas des livres historiques. Mais ces ouvrages sont consultés dans le cadre d'études psycho-sociales de l'affaire.

Le grand intérêt de l'étude de l'affaire Dreyfus réside dans le fait que toutes les archives sont aisément disponibles. Bien que les débats du Conseil de guerre de 1894 n'aient pas été pris en sténographie, les comptes-rendus de toutes les audiences publiques des nombreux procès de l'affaire peuvent être consultés. Par ailleurs, un grand nombre d'archives sont facilement accessibles aux Archives nationales et aux Archives militaires du fort de Vincennes.

Une littérature contemporaine de l'affaire a été publiée entre 1894 et 1906. À commencer par l'opuscule de Bernard Lazare, premier intellectuel dreyfusard : malgré des erreurs factuelles, il reste un témoignage des étapes vers la révision.

L'ouvrage de Joseph Reinach, l'Histoire de l'affaire Dreyfus en sept volumes, qui commence à paraître en 1901 et se termine avec l'index en 1911, a été la référence jusqu’à la publication des travaux d'histoire scientifique livrés à partir des années 1960. Il contient de très nombreuses informations exactes, malgré quelques interprétations généralement contestées sur le pourquoi de l'affaire.

D'autre part, il existe des « mémoires instantanés » de témoins directs, comme le livre antisémite et mensonger d'Esterházy, ou celles d'Alfred Dreyfus lui-même dans Cinq années de ma vie. Il s'agit de témoignages de nature à compléter le panorama de l'affaire.

Le précis de l'affaire Dreyfus par « Henri Dutrait-Crozon », pseudonyme du colonel Larpent est la base de toute la littérature antidreyfusarde postérieure à l'affaire, jusqu’à nos jours. L'auteur y développe la théorie du complot, alimenté par la finance juive, pour pousser Esterházy à s'accuser du crime. Sous des dehors scientifiques, on y retrouve un échafaudage de théories qu'aucune preuve ne soutient.

La publication des carnets de Schwartzkoppen, en 1930, amène un éclairage sur le rôle coupable d'Esterházy dans l'affaire et disculpe du même coup Alfred Dreyfus, s'il en était besoin. La droite nationale conteste la valeur de ce témoignage ambigu et imprécis, mais la plupart des historiens le retient comme source valide.

La période de l'Occupation jette un voile sur l'affaire. La Libération et la révélation de la Shoah amènent une réflexion de fond sur l'ensemble de l'affaire Dreyfus. Jacques Kayser (1946), puis Maurice Paléologue (1955) et Henri Giscard d'Estaing (1960) relancent l'affaire sans grandes révélations, avec une démarche généralement jugée insuffisante sur le plan historique.

C'est Marcel Thomas, archiviste paléographe, conservateur en chef aux Archives nationales, qui en 1961, apporte, par son Affaire sans Dreyfus en deux volumes, un renouvellement complet de l'histoire de l'affaire, appuyée sur toutes les archives publiques et privées disponibles. Son ouvrage est le socle de l'ensemble des études historiques ultérieures.

Henri Guillemin, la même année, avec son Enigme Esterházy, semble trouver la clef de « l'énigme » dans l'existence d'un troisième homme (en plus de Dreyfus et Esterházy), explication qu'il partage momentanément avec Michel de Lombarès, puis l'abandonne quelques années plus tard.

Jean Doise, normalien et spécialiste des armées, malgré de solides réflexions et descriptions, tente d'expliquer l'affaire par la genèse du canon de 75 mm dans Un secret bien gardé, mais ses hypothèses conclusives sont regardées de manière très critique.

Jean-Denis Bredin, avocat et historien, livre L'Affaire en 1983, reconnue comme la meilleure somme sur l'affaire Dreyfus. L'intérêt de l'ouvrage porte sur une relation strictement factuelle et documentée des faits et une réflexion polyforme sur les différents aspects de cet événement.

Il revient enfin à Vincent Duclert d'avoir livré en 2005 la première Biographie d'Alfred Dreyfus, en 1 300 pages, parmi une dizaine d'autres publications sur l'affaire Dreyfus, incluant la correspondance complète d'Alfred et Lucie Dreyfus de 1894 à 1899.

Par ailleurs, l'affaire Dreyfus a fourni le prétexte à de nombreux romans. La dernière œuvre d'Émile Zola (1902), Vérité, transpose l'affaire Dreyfus dans le monde de l'école. Anatole France publie L'Île des pingouins (1907) qui relate l'affaire au livre VI : « L’Affaire des quatre-vingt mille bottes de foin. » D'autres auteurs y contribueront, comme Roger Martin du Gard, Marcel Proust ou Maurice Barrès.

MON OPINION

Affaire d'Etat ou racisme ? Telle est la question. Quoiqu'il en soit, c'est une affaire qui a fait beaucoup de bruit et qui a divisé la France (même si elle continue a divisé la France aujourd'hui). Il est délicat de donner une opinion précise sur cette affaire. Quel que soit le résultat de l'affaire, cela restera un poids sur les épaules de la famille....

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27 décembre 2009 7 27 /12 /décembre /2009 14:25

Voici l'une des affaires criminelles les plus historique de l'histoire française. Une affaire qui dura plus d'une dizaine d'années et qui, plus d'un siècle plus tard, fait encore parler d'elle. Avant même que je puisse donner mon opinion sur cette série d'articles, rappelons les faits et les actes historiques les plus marquants.

L’affaire Dreyfus a pour origine une erreur judiciaire sur fond d’espionnage et d'antisémitisme, dont la victime est le capitaine Alfred Dreyfus (1859-1935), français et alsacien d'origine, et juif. Cette affaire a bouleversé la société française pendant douze ans, de 1894 à 1906.

La révélation de ce scandale, dans « J'Accuse…! », un article d’Émile Zola, en 1898, provoque une succession de crises politiques et sociales uniques en France. À son paroxysme, en 1899, elle révèle les clivages de la France de la Troisième République. Elle divise profondément et durablement les Français en deux camps opposés, dreyfusards et antidreyfusards. Cette affaire est le symbole moderne et universel de l'iniquité au nom de la raison d'État. Enfin, elle suscite de très violentes polémiques nationalistes et antisémites, diffusées par une presse influente.

RESUME DE L'AFFAIRE DREYFUS

À la fin de l'année 1894, le capitaine de l'armée française Alfred Dreyfus, polytechnicien, Juif d'origine alsacienne, accusé d'avoir livré aux Allemands des documents secrets, est condamné au bagne à perpétuité pour trahison et déporté sur l'île du Diable. À cette date, l'opinion comme la classe politique française sont unanimement défavorables à Dreyfus.

Certaine de l'incohérence de cette condamnation, la famille du capitaine, derrière son frère Mathieu, tente de prouver son innocence, engageant à cette fin le journaliste Bernard Lazare. Parallèlement, le colonel Georges Picquart, chef du contre-espionnage, constate en mars 1896 que le vrai traître avait été le commandant Ferdinand Walsin Esterházy. L'État-Major refuse pourtant de revenir sur son jugement et affecte Picquart en Afrique du Nord.

Afin d'attirer l'attention sur la fragilité des preuves contre Dreyfus, sa famille contacte en juillet 1897 le respecté président du Sénat Auguste Scheurer-Kestner qui fait savoir, trois mois plus tard, qu'il a acquis la conviction de l'innocence de Dreyfus, et qui en persuade également Georges Clemenceau, ancien député et alors simple journaliste. Le même mois, Mathieu Dreyfus porte plainte auprès du ministère de la Guerre contre Walsin-Esterházy. Alors que le cercle des dreyfusards s'élargit, deux événements quasi simultanés donnent en janvier 1898 une dimension nationale à l'affaire : Esterházy est acquitté, sous les acclamations des conservateurs et des nationalistes ; Émile Zola publie « J'Accuse…! », plaidoyer dreyfusard qui entraîne le ralliement de nombreux intellectuels. Un processus de scission en deux de la France est entamé, qui se prolonge jusqu’à la fin du siècle. Des émeutes antisémites éclatent dans plus de vingt villes françaises. On dénombre plusieurs morts à Alger. La République est ébranlée, certains la voient même en péril, ce qui incite à en finir avec l’affaire Dreyfus pour ramener le calme.

Malgré les menées de l'armée pour étouffer cette affaire, le premier jugement condamnant Dreyfus est cassé par la Cour de cassation au terme d'une enquête minutieuse, et un nouveau conseil de guerre a lieu à Rennes en 1899. Contre toute attente, Dreyfus est condamné une nouvelle fois, à dix ans de travaux forcés, avec, toutefois, circonstances atténuantes. Épuisé par sa déportation de quatre longues années, Dreyfus accepte la grâce présidentielle, accordée par le président Émile Loubet. Ce n'est qu'en 1906 que son innocence est officiellement reconnue au travers d'un arrêt sans renvoi de la Cour de cassation, décision inédite et unique dans l'histoire du droit français. Réhabilité, le capitaine Dreyfus est réintégré dans l'armée au grade de commandant et participe à la Première Guerre mondiale. Il meurt en 1935.

Les conséquences de cette affaire sont innombrables et touchent tous les aspects de la vie publique française : politique (elle consacre le triomphe de la IIIe République, dont elle devient un mythe fondateur[5] tout en renouvelant le nationalisme), militaire, religieux (elle ralentit la réforme du catholicisme français, ainsi que l'intégration républicaine des catholiques), social, juridique, médiatique, diplomatique et culturel (c'est à l'occasion de l'affaire que le terme d'intellectuel est forgé). L'affaire a également un impact international sur le mouvement sioniste au travers d'un de ses pères fondateurs : Théodore Herzl et de par l'émoi que ses manifestations antisémites vont provoquer au sein des communautés juives d'Europe centrale et occidentale.

Confusions possibles

Il ne faut pas confondre dreyfusards, dreyfusiens et dreyfusistes.

Les dreyfusards sont les premiers défenseurs de Dreyfus, ceux qui le soutiennent dès le début.

Le terme dreyfusiste désigne ceux qui réfléchissent au-delà de l'affaire et voient en celle-ci une nécessité de remettre en cause la société et la politique et, par extension, le fonctionnement de la République (certains dreyfusards furent parfois aussi dreyfusistes par la suite).

Quant aux dreyfusiens, ils n'apparaissent qu'en décembre 1898 lorsque l'affrontement entre dreyfusards et antidreyfusards devient vraiment aigu et que l'affaire compromet la stabilité de la République. Les dreyfusiens, même si certains ont des sympathies pour Alfred Dreyfus, veulent liquider l'affaire en calmant le jeu, dans le but de sauver le régime républicain parlementaire alors en place. Ils sont à l'origine d'une certaine conciliation entre les deux camps, grâce à un effort de médiation en prônant l'apaisement. Leur texte fondateur est « L'Appel à l'union » paru le 23 janvier 1899 dans le journal Le Temps. Ils soutiennent généralement la politique de Waldeck-Rousseau et prônent une laïcisation de la société.

CONTEXTES DE L'AFFAIRE DREYFUS

Contexte politique

En 1894, la IIIe République est vieille de vingt-quatre ans. Le régime politique de la France vient d'affronter trois crises (le boulangisme en 1889, le scandale de Panamá en 1892, et la menace anarchiste, réduite par les « lois scélérates » de juillet 1894) qui n'ont fait que l'affermir. Les élections de 1893, centrées sur la « question sociale », ont consacré la victoire des républicains de gouvernements (un peu moins de la moitié des sièges) face à la droite conservatrice, ainsi que la force des radicaux (environ 150 sièges) et des socialistes (environ 50 sièges).

L'opposition des radicaux et des socialistes pousse à gouverner au centre d'où des choix politiques orientés vers le protectionnisme économique, une certaine indifférence à la question sociale, une volonté de briser l'isolement international, avec l'alliance russe et le développement de l'Empire. Cette politique de centre provoque l'instabilité ministérielle, certains républicains de gouvernement rejoignant parfois les radicaux, ou certains orléanistes rejoignant les légitimistes, et cinq gouvernements se succèdent de 1893 à 1896. Cette instabilité gouvernementale se double d'une instabilité présidentielle : au président Sadi Carnot, assassiné le 24 juin 1894, succède le modéré Jean Casimir-Perier qui démissionne le 15 janvier 1895 et est remplacé par Félix Faure.

Suite à l'échec du gouvernement radical de Léon Bourgeois en 1896, le président nomme Jules Méline, homme du protectionnisme sous Ferry. Son gouvernement prend acte de l'opposition de la gauche et de certains républicains (l'Union progressiste notamment) et fait en sorte de toujours obtenir le soutien de la droite. Très stable, il cherche à apaiser les tensions religieuses (ralentissement de la lutte anticléricale), sociales (vote de la loi sur la responsabilité des accidents du travail) et économiques (maintien du protectionnisme) en conduisant une politique assez conservatrice. C'est sous ce gouvernement stable qu'éclate réellement l'Affaire Dreyfus.

Contexte militaire

Le Général Raoul Le Mouton de Boisdeffre artisan de l'alliance militaire avec la Russie

L'affaire Dreyfus se place dans le cadre de l'annexion de l'Alsace et de la Moselle, déchirure qui alimente tous les nationalismes les plus extrêmes. La défaite traumatisante de 1870 semble loin, mais l'esprit revanchard est toujours présent. De nombreux acteurs de l'affaire Dreyfus sont d'ailleurs alsaciens. Les militaires exigent des moyens considérables pour préparer le prochain conflit, et c'est dans cet esprit que l'alliance franco-russe « contre nature » du 27 août 1892 est signée, sur la base d'une convention militaire. L'armée s'est relevée de la défaite, mais elle est encore en partie constituée d'anciens cadres socialement aristocrates et politiquement monarchistes. Le culte du drapeau et le mépris de la République parlementaire sont deux principes essentiels à l'armée de l'époque. La République a beau célébrer son armée avec régularité, l'armée ignore la République.

Mais depuis une dizaine d'années, l'armée connaît une mutation importante, dans le double but de la démocratiser et de la moderniser. Des polytechniciens concurrencent efficacement les officiers issus de la voie royale de Saint-Cyr, ce qui amène des dissensions, amertumes et jalousies parmi ceux des sous-officiers qui s'attendaient à des promotions au choix. La période est aussi marquée par une course aux armements qui touche principalement l'artillerie, avec des perfectionnements concernant l'artillerie lourde (canon de 120 court et de 155 court, Modèles 1890 Baquet, à nouveaux freins hydropneumatiques), mais aussi et surtout, la mise au point de l'ultra secret canon de 75.

Signalons ici le fonctionnement du contre-espionnage militaire, alias « Section de statistiques ». Le Renseignement, activité organisée et outil de guerre secrète, est une nouveauté de la fin du XIXe siècle. La Section de statistiques est créée en 1871 mais ne compte alors qu'une poignée d'officiers et de civils. Son chef en 1894 est le lieutenant-colonel Jean Sandherr, saint-cyrien, alsacien de Mulhouse, antisémite convaincu. Sa mission militaire est claire : récupérer des renseignements sur l'ennemi potentiel de la France, et l'intoxiquer avec de fausses informations. La Section de statistiques est épaulée par les « Affaires réservées » du quai d'Orsay, le ministère des Affaires étrangères, animée par un jeune diplomate, Maurice Paléologue. La course aux armements amène une ambiance d'espionnite aiguë dans le contre-espionnage français à partir de 1890. Aussi, l'une des missions de la section consiste à espionner l'ambassade d'Allemagne, rue de Lille, à Paris, afin de déjouer toute tentative de transmission d'informations importantes à cet adversaire. D'autant que plusieurs affaires d'espionnage avaient déjà défrayé la chronique d'une presse friande de ces histoires mêlant le mystère au sordide. Ainsi en 1890, l'archiviste Boutonnet est condamné pour avoir vendu les plans de l'obus à la mélinite. L'attaché militaire allemand à Paris est en 1894 le comte Maximilien von Schwartzkoppen, qui développe une politique d'infiltration qui semble avoir été efficace.

Depuis le début 1894, la Section de statistiques enquête sur un trafic de plans directeurs concernant Nice et la Meuse, mené par un agent que les Allemands et les Italiens surnomment Dubois. C'est ce qui l'amène aux origines de l'affaire Dreyfus.

Contexte social

Le contexte social est marqué par la montée du nationalisme et de l'antisémitisme. Cette croissance de l'antisémitisme, très virulente depuis la publication de La France juive d'Édouard Drumont en 1886 (150 000 exemplaires la première année), va de pair avec une montée du cléricalisme. Les tensions sont fortes dans toutes les couches de la société, attisées par une presse influente et pratiquement libre d'écrire et de diffuser n'importe quelle information, fût-elle injurieuse ou diffamatoire. Les risques juridiques sont limités si la cible est une personne privée. L'antisémitisme n'épargne pas l'institution militaire qui pratique des discriminations occultes. Jusque dans les concours, avec la fameuse « cote d'amour », notation irrationnelle, dont Dreyfus a fait les frais à l'école d'application de Bourges. Témoin des fortes tensions de cette époque, la vogue du duel, à l'épée ou au pistolet, provoquant parfois la mort d'un des deux duellistes. De brillants officiers juifs, atteints par une série d'articles de presse de La Libre Parole, accusés de « trahir par naissance », défient leurs rédacteurs. Ainsi en est-il du capitaine Cremieu-Foa, Juif alsacien et polytechnicien qui se bat sans résultat. Mais le capitaine Mayer, autre officier juif, est tué par le marquis de Morès, ami de Drumont, dans un autre duel ; décès qui déclenche une émotion considérable, très au-delà des milieux israélites. La haine des juifs est désormais publique, violente, alimentée par un brûlot diabolisant la présence juive en France qui ne représente alors que 80 000 personnes au plus en 1895 (dont 40 000 à Paris), très intégrés, plus 45 000 en Algérie. Le lancement de La Libre Parole, dont la diffusion estimée est de 200 000 exemplaires en 1892 permet à Drumont d'élargir encore son audience vers un lectorat plus populaire, déjà tenté par l'aventure boulangiste dans le passé. L'antisémitisme diffusé par La Libre Parole, mais aussi par L'Éclair, Le Petit Journal, La Patrie, L'Intransigeant, La Croix, en puisant dans les racines antisémites des milieux catholiques, atteint des sommets.

ORIGINES DE L'AFFAIRE ET LE PROCES DE 1894

À l'origine : les faits d'espionnage

L'origine de l'affaire Dreyfus, bien que totalement éclaircie depuis les années 1960, a suscité de nombreuses controverses pendant près d'un siècle. Il s'agit d'une affaire d'espionnage dont les intentions sont restées obscures jusqu’à nos jours. De nombreux historiens parmi les plus éminents expriment plusieurs hypothèses distinctes sur l'affaire, mais tous arrivent à une conclusion unique : Dreyfus était innocent de tout crime ou délit.

Découverte du bordereau

Les personnels du Service de Renseignements militaire (SR) ont affirmé de manière constante qu'en septembre 1894, la « voie ordinaire », avait apporté au contre-espionnage français une lettre, surnommée par la suite « le bordereau ». Cette lettre-missive, partiellement déchirée en six grands morceaux, écrite sur du papier pelure, non signée et non datée, était adressée à l'attaché militaire allemand en poste à l’ambassade d’Allemagne, Max von Schwarzkoppen. Elle établissait que des documents militaires confidentiels, mais d'importance relative, étaient sur le point d'être transmis à une puissance étrangère.

Recherche de l'auteur du bordereau

Cette prise semble suffisamment importante pour que le chef de la « Section de statistiques », le mulhousien Jean Sandherr, en informe le ministre de la Guerre, le général Auguste Mercier. Le SR soupçonne en effet des fuites depuis le début de l'année 1894, et recherche son auteur. Le ministre, violemment attaqué dans la presse pour son action jugée incompétente, semble vouloir tirer parti de cette affaire pour rehausser son image. Il diligente immédiatement deux enquêtes secrètes, l’une administrative et l’autre judiciaire. Pour trouver le coupable, le raisonnement est simple sinon grossier : le cercle de recherche est arbitrairement restreint à un suspect en poste ou un ancien collaborateur à l’État-Major, nécessairement artilleur, et officier stagiaire.

Le coupable idéal est identifié : le capitaine Alfred Dreyfus, polytechnicien et artilleur, de confession israélite et alsacien d’origine, issu de la méritocratie républicaine. Au tout début de l’affaire, on insiste plutôt sur les origines alsaciennes de Dreyfus que sur son appartenance religieuse. Celles-ci n'étaient pourtant pas exceptionnelles, puisqu’on privilégiait les officiers de l’est de la France pour leur double connaissance de la langue allemande et de la culture germanique. Mais l’antisémitisme, qui n’épargne pas les bureaux d’État-Major, devient rapidement le centre de l’affaire d’instruction, remplissant les vides d’une enquête préliminaire incroyablement sommaire. D'autant que Dreyfus était à ce moment-là le seul officier juif étant passé récemment par l'État-Major général.

De fait, la légende du caractère froid et renfermé, voire hautain de l’homme, et de sa « curiosité », jouent fortement contre lui. Ces traits de caractère, les uns faux, les autres naturels, rendent plausibles toutes les accusations en transformant les actes les plus ordinaires de la vie courante dans un ministère, en faits avérés d’espionnage. Ce début d’instruction partial et partiel amène une multiplication d'erreurs qui conduisent au mensonge d’État. Ceci au travers d’une affaire où l’irrationnel l’emporte sur le positivisme pourtant en vogue à cette époque :

« Dès cette première heure s’opère le phénomène qui va dominer toute l’affaire. Ce ne sont plus les faits contrôlés, les choses examinées avec soin qui forment la conviction ; c’est la conviction souveraine, irrésistible, qui déforme les faits et les choses. »

— Joseph Reinach

Expertises en écriture

Pour confondre Dreyfus, les écritures du bordereau et du capitaine sont comparées. Personne n’est compétent en matière d'analyse d'écritures à l’État-Major. Entre alors en scène le commandant du Paty de Clam, homme original qui se pique d’expertise graphologique. Mis en présence de lettres de Dreyfus et du bordereau le 5 octobre, du Paty conclut d’emblée à l'identité des deux écritures. Après une journée de travail complémentaire, il assure dans un rapport que, malgré quelques dissemblances, les ressemblances sont suffisantes pour justifier une enquête. Dreyfus est donc « l'auteur probable » du bordereau pour l'État-Major.

Le général Mercier tenant un coupable, il met exagérément en valeur l'affaire, qui prend le statut d'affaire d'État pendant la semaine précédant l'arrestation de Dreyfus. En effet, le ministre consulte et informe toutes les autorités de l'État. Malgré les conseils de prudence et les objections courageusement exprimés par Gabriel Hanotaux lors d'un petit conseil des ministres, il décide de poursuivre. Du Paty de Clam est nommé officier de police judiciaire chargé d'une enquête officielle.

Pendant ce temps plusieurs informations sont ouvertes parallèlement, les unes sur la personnalité de Dreyfus, les autres consistant à s'assurer de la réalité des identités d'écriture. L'expert Gobert n'est pas convaincu, trouve de nombreuses différences et écrit même que « la nature de l'écriture du bordereau exclut le déguisement graphique ». Déçu, Mercier fait alors appel à Alphonse Bertillon, l'inventeur de l'anthropométrie judiciaire, mais nullement expert en écritures. Il n'est d'abord pas plus affirmatif que Gobert, en n'excluant pas une copie de l'écriture de Dreyfus[49]. Mais par la suite, sous la pression des militaires, il affirme que Dreyfus s'est autocopié et développe sa théorie de l' « autoforgerie ».

L'ARRESTATION

Le capitaine Dreyfus avant l'Affaire

Le 13 octobre, sans aucune preuve tangible et avec un dossier vide, le général Mercier fait convoquer le capitaine Dreyfus pour une inspection générale, en « tenue bourgeoise », c'est-à-dire en civil. L'objectif de l'État-Major est de gagner la preuve parfaite en droit français : l'aveu. Cet aveu serait obtenu par effet de surprise, en faisant écrire une lettre inspirée du bordereau au coupable sous la dictée.

Le 15 octobre 1894 au matin, le capitaine Dreyfus subit cette épreuve, mais n'avoue rien. Du Paty tente même de lui suggérer le suicide en plaçant un revolver devant Dreyfus, mais l'accusé refuse d'attenter à ses jours, affirmant qu'il « veut vivre afin d'établir son innocence ». L'espoir des militaires est déçu. Du Paty de Clam fait tout de même arrêter le capitaine et l'inculpe d'intelligence avec l'ennemi afin qu'il soit traduit devant un Conseil de guerre. Dreyfus est incarcéré à la prison du Cherche-midi à Paris.

L'instruction et le premier Conseil de guerre

Mme Dreyfus est informée de l'arrestation le jour même, par une perquisition de l'appartement du jeune couple. Elle est terrorisée par du Paty qui lui ordonne de garder le secret sur l'arrestation de son mari, et lui affirme même : « Un mot, un seul mot et c'est la guerre européenne ! ». En toute illégalité, Dreyfus est mis au secret dans sa prison, où Du Paty l'interroge jour et nuit afin d'obtenir des aveux, ce qui échoue. Le capitaine est soutenu moralement par le premier dreyfusard : le commandant Forzinetti, commandant les prisons militaires de Paris.

Le 29 octobre, l'affaire est révélée par le journal antisémite d'Édouard Drumont, La Libre Parole , dans un article qui marque le début d'une très violente campagne de presse jusqu'au procès. Cet événement place l'Affaire sur le terrain de l'antisémitisme, qu'elle ne quitte plus jusqu’à sa conclusion définitive.

Le 1er novembre, Mathieu Dreyfus, le frère d'Alfred, appelé d'urgence à Paris, est mis au courant de l'arrestation. Il devient l'artisan du combat difficile pour la libération de son frère. Sans attendre, il se met à la recherche d'un avocat, et retient l'éminent pénaliste Edgar Demange.

L'instruction

Le 3 novembre, à contre cœur, le général Saussier donne l'ordre d'informer. Il a tous les pouvoirs pour arrêter la machinerie, mais il ne le fait pas, peut-être par confiance exagérée en la justice militaire. Le commandant Besson d'Ormescheville, rapporteur auprès du Conseil de guerre, rédige un rapport à charge dans lequel les « éléments moraux » de l'accusation (qui vont de ragots concernant les mœurs de Dreyfus et sa prétendue fréquentation de « cercles-tripots » à sa connaissance de l'allemand et sa « mémoire remarquable ») sont développés bien plus longuement que les « éléments matériels », dont la rareté même sert à la charge : « c'est une preuve de culpabilité, car Dreyfus a tout fait disparaître ». Le manque complet de neutralité de l'acte d'accusation conduit Émile Zola à le qualifier de « monument de partialité ».

Le 4 décembre, avec ce dossier vide, Dreyfus est renvoyé devant le premier Conseil de guerre. Le secret est levé et Me Demange peut pour la première fois accéder au dossier. Après sa lecture, la confiance de l'avocat, qui a pu constater le néant du dossier d'instruction, est absolue[64]. L'accusation ne repose en effet que sur l'écriture d'une pièce unique, le bordereau, à propos de laquelle les experts se contredisent, et sur de vagues témoignages indirects.

LE PROCES : LE HUIT CLOS OU LA GUERRE

Pendant les deux mois précédant le procès, la presse se déchaîne. La Libre Parole, L'Autorité, Le Journal, Le Temps racontent toute la vie supposée de Dreyfus au travers de mensonges et de mauvais romans. C'est aussi l'occasion pour les titres extrémistes comme La Libre Parole ou La Croix, de justifier leurs campagnes préalables contre la présence de Juifs dans l'armée, sur le thème « On vous l'avait bien dit ! ». Cette période longue est surtout le moyen pour l'État-Major de préparer l'opinion et de faire pression indirectement sur les juges. Ainsi le 8 novembre, le général Mercier va jusqu’à déclarer Dreyfus coupable dans une interview au Figaro. Lui réplique le 29 novembre un article d'Arthur Meyer dans Le Gaulois, dans lequel est condamné le réquisitoire fait contre Dreyfus et demandé : « Quelle liberté restera-t-il au Conseil de Guerre appelé à juger ce prévenu ? ».

Des joutes d'éditorialistes ont lieu au sein d'un large débat à propos de la question du huis clos. Pour Ranc et Cassagnac qui représentent la majorité de la presse, le huis clos est une manœuvre basse dans le but de permettre l'acquittement de Dreyfus, « car le ministre est un lâche ». La preuve c'est « qu'il rampe devant les Prussiens » en acceptant de publier des démentis de l'Ambassadeur d'Allemagne à Paris. Mais pour d'autres journaux, comme L'Éclair du 13 décembre, « le huis clos est nécessaire pour éviter un casus belli », alors que pour Judet dans Le Petit Journal du 18, « le huis clos est notre refuge inexpugnable contre l'Allemagne » ou le Chanoine de La Croix du même jour, il faut « le huis clos le plus absolu ».

Le procès s'ouvre le 19 décembre à treize heures, le huis clos étant presque immédiatement prononcé. Ce huis clos n'est d'ailleurs pas conforme juridiquement puisque le commandant Picquart et le préfet Louis Lépine sont présents à certaines audiences en violation du droit, mesure qui permet néanmoins aux militaires de ne pas divulguer le néant du dossier au grand public et d'étouffer les débats. Conformément aux prévisions, le vide du dossier apparaît nettement pendant les audiences. Les discussions de fond sur le bordereau montrent que le capitaine Dreyfus ne pouvait pas en être l'auteur. D'autre part, l'accusé lui-même clame son innocence, et se défend point par point avec énergie et logique. Au surplus, ses déclarations sont appuyées par une dizaine de témoignages à décharge. Enfin l'absence de mobile pour le crime est une sérieuse épine dans le dossier d'accusation. Dreyfus était en effet un officier très patriote et très bien noté par ses chefs, et surtout très riche il n'avait donc aucune raison tangible de trahir. La justification par la judéité de Dreyfus, seule retenue par la presse de droite, ne saurait pourtant l'être par un tribunal.

Alphonse Bertillon, qui n'est pas expert en écritures, est présenté comme un savant de première importance. Il avance la théorie de l'autoforgerie à l'occasion de ce procès et accuse Dreyfus d'avoir imité sa propre écriture, expliquant les différences graphiques par l'emploi d'extraits de l'écriture de son frère Mathieu et de son épouse Lucie. Cette théorie, bien que considérée plus tard comme farfelue et sidérante semble avoir un certain effet sur les juges. De plus, le commandant Hubert-Joseph Henry fait une déclaration théâtrale en pleine audience. Il affirme qu'une suspicion de fuites existait depuis le mois de février 1894 à propos d'une trahison à l'État-Major et « qu'une personne honorable » accusait le capitaine Dreyfus. Il jure sur l'honneur que le traître est Dreyfus, en désignant le crucifix accroché au mur du tribunal[84]. Dreyfus sort de ses gonds et exige d'être confronté à son accusateur anonyme, ce qui est refusé par l'État-Major. L'incident a un effet incontestable sur la Cour, composée de sept officiers qui sont à la fois juges et jurés. Toutefois, l'issue du procès est incertaine. La conviction des juges a été ébranlée par l'attitude ferme et les réponses logiques de l'accusé. Les juges partent délibérer. Mais l'État-Major a encore une carte en main pour faire pencher la balance définitivement contre Dreyfus.

Transmission d'un dossier secret aux magistrats

Les témoins militaires du procès alertent le commandement sur les risques d'acquittement. Dans cette éventualité, la Section de statistiques avait préparé un dossier, contenant, en principe, quatre preuves « absolues » de la culpabilité du capitaine Dreyfus, accompagnées d'une note explicative. Le contenu de ce dossier secret est incertain encore de nos jours, car aucune archive dressant la liste des pièces ne nous est parvenue. Des recherches récentes indiquent l'existence d'une numérotation induisant la présence d'une dizaine de documents. Parmi ceux-ci, des lettres à caractère érotico-homosexuel (Lettre Davignon entre autres) posent la question des méthodes d'intoxication du Service de statistiques et de l'objet de ce choix documentaire.

Le dossier secret est remis au début du délibéré, en toute illégalité, au président du Conseil de guerre le colonel Émilien Maurel, sur ordre du ministre de la Guerre, le général Mercier. Plus tard, au procès de Rennes de 1899, le général Mercier a expliqué que la nature même des pièces soumises interdisait leur divulgation dans l'enceinte du tribunal. Ce dossier contenait, outre des lettres sans grand intérêt, dont certaines étaient truquées, une pièce restée célèbre sous le nom de « Canaille de D… ».

C'était une lettre de l'attaché militaire allemand, Max von Schwarzkoppen à l'attaché militaire italien Alessandro Panizzardi interceptée par le SR. La missive était censée accuser définitivement Dreyfus, puisque d'après ses accusateurs, il était désigné par l'initiale de son nom. En réalité, la Section de statistiques savait que la lettre ne pouvait pas être attribuée à Dreyfus, et si elle le fut, ce fut par intention criminelle. Le colonel Maurel a affirmé au second procès Dreyfus que les pièces secrètes n'avaient pas servi à emporter l'adhésion des juges du Conseil de guerre. Mais il se contredit en affirmant qu'il a lu un seul document, « ce qui fut suffisant ».

Condamnation, dégratation et deportation

Le 22 décembre, après plusieurs heures de délibération, le verdict tombe. À l'unanimité des sept juges, Alfred Dreyfus est condamné pour trahison « à la destitution de son grade, à la dégradation militaire, et à la déportation perpétuelle dans une enceinte fortifiée », c'est-à-dire au bagne en Guyane. Dreyfus n'est pas condamné à mort car la constitution de 1848 avait aboli la peine capitale pour crime politique. Pour les autorités, la presse et le public, les quelques doutes d'avant procès sont dissipés. La culpabilité est certaine ; à droite comme à gauche, on regrette l'abolition de la peine de mort pour crime de trahison. L'antisémitisme atteint des sommets dans la presse et se manifeste dans des populations jusqu’à présent épargnées. Même Jean Jaurès regrette la douceur de la peine dans une adresse à la Chambre, et écrit : « un troupier vient d'être condamné à mort et exécuté pour avoir lancé un bouton au visage de son caporal. Alors pourquoi laisser ce misérable traître en vie ? »

Le 5 janvier 1895, la cérémonie de la dégradation se déroule dans une cour de l'École militaire à Paris. Les témoins signalent la dignité de Dreyfus, qui continue de clamer son innocence. Ici vient se greffer ce que l'on surnomme « la légende des aveux ». Avant la dégradation, dans le fourgon qui l'amenait à l'École militaire, Dreyfus aurait confié sa traîtrise au capitaine Lebrun-Renault. Il apparaît qu'en réalité, le capitaine de la Garde républicaine s'était vanté et que Dreyfus n'avait fait aucun aveu. Du fait de la nature de l'affaire, touchant à la sécurité nationale, le prisonnier est mis au secret dans une cellule en attendant son transfert. Le 17 janvier, il est transféré au bagne de l'île de Ré, où il est maintenu plus d'un mois. Il a le droit de voir sa femme deux fois par semaine, dans une salle allongée, chacun à un bout, le directeur de la prison au milieu. Le 21 février, il embarque sur le vaisseau Ville-de-Saint-Nazaire. Le lendemain, le navire fait cap vers la Guyane.

La case de Dreyfus sur l'île du Diable en Guyane

Le 12 mars, après une traversée pénible de quinze jours, le navire mouille au large des îles du Salut. Dreyfus reste un mois au bagne de l'île Royale, puis il est transféré à l'île du Diable le 14 avril. Avec ses gardiens, il est le seul habitant de l'île, logeant dans une case de pierre de quatre mètres sur quatre. Hanté par le risque de l'évasion, le commandant du bagne fait vivre un enfer au condamné alors que les conditions de vie sont déjà très pénibles. Dreyfus tombe malade, secoué par les fièvres qui s'aggraveront d'année en année.

Dreyfus est autorisé à écrire sur un papier numéroté et paraphé. Il subit la censure du commandement de même que lorsqu'il reçoit du courrier de sa femme Lucie, par lequel ils s'encouragent mutuellement. Le 6 septembre 1896, les conditions de vie d'Alfred Dreyfus s'aggravent encore : il est mis à la double boucle, supplice obligeant le forçat à rester sur son lit, immobile, les chevilles entravées. Cette mesure est la conséquence de la fausse information de son évasion, révélée par un journal anglais. Pendant deux longs mois, elle plonge Dreyfus dans un profond désespoir. À ce moment, il est persuadé que sa vie s'achèvera sur cette île lointaine.

LA VERITE EN MARCHE

La famille Dreyfus découvre l'affaire et agit 

Mathieu Dreyfus, le frère aîné d'Alfred Dreyfus, est convaincu de l'innocence du condamné. Il est le premier artisan de la réhabilitation de son frère, et passe tout son temps, toute son énergie et sa fortune à rassembler autour de lui un mouvement de plus en plus puissant en vue de la révision du procès de décembre 1894, malgré les difficultés de la tâche : « Après la dégradation, le vide se fit autour de nous. Il nous semblait que nous n'étions plus des êtres comme les autres, que nous étions comme retranchés du monde des vivants. »

Mathieu essaie toutes les pistes, y compris les plus étonnantes. Ainsi, grâce au docteur Gibert, ami du président Félix Faure, il rencontre au Havre une femme qui, sous hypnose, lui parle pour la première fois d'un « dossier secret ». Le fait est confirmé par le président de la République au docteur Gibert dans une conversation privée.

Petit à petit, malgré les menaces d'arrestation pour complicité, les filatures, les pièges tendus par les militaires, il réussit à convaincre divers modérés. Ainsi, le journaliste de gauche Bernard Lazare se penche sur les zones d'ombre de la procédure. En 1896, Lazare publie à Bruxelles le premier opuscule dreyfusard. Cette publication n'a que peu d'influence sur le monde politique et intellectuel, mais elle contient tant de détails que l'État-Major suspecte le nouveau chef du SR, Picquart, d'en être responsable.

La campagne en faveur de la révision, relayée petit à petit dans la presse de gauche antimilitariste[108], déclenche en retour une vague d'antisémitisme très violente dans l'opinion. La France reste alors très majoritairement antidreyfusarde. Le commandant Henry, à la Section de statistiques, est de son côté conscient de la fragilité du dossier d'accusation. À la demande de sa hiérarchie, le général de Boisdeffre, chef d'État-Major général, et le général Gonse, il est chargé de faire grossir le dossier afin d'éviter toute tentative de révision. Incapable de trouver la moindre preuve, il décide d'en fabriquer une a posteriori.

La découverte du vrai coupable : Picquart « passe à l'ennemi » 

Le vrai coupable de la trahison est découvert par hasard de deux manières distinctes ; par Mathieu Dreyfus d'une part, en recueillant la dénonciation du banquier Castro, et par le SR d'autre part, à la suite d'une enquête. Le colonel Sandherr étant tombé malade, le lieutenant-colonel Georges Picquart est affecté à la tête du SR en juillet 1895. En mars 1896, Picquart, qui avait suivi l’affaire Dreyfus dès son origine, exige désormais de recevoir directement les documents volés à l'ambassade d'Allemagne, sans intermédiaire. Il y découvre un document surnommé le « petit bleu » : une carte télégramme, jamais envoyée, écrite par von Schwartzkoppen et interceptée à l’ambassade d’Allemagne début mars 1896. Celle-ci est adressée à un officier français, au commandant Walsin-Esterházy, 27 rue de la Bienfaisance - Paris. Par ailleurs, une autre lettre au crayon noir de von Schwartzkoppen démontre les mêmes relations d'espionnage avec Esterhazy. Mis en présence de lettres de cet officier, Picquart s'aperçoit avec stupéfaction que son écriture est exactement la même que celle du « bordereau » qui a servi à incriminer Dreyfus. Il se procure le « dossier secret » remis aux juges en 1894, et devant sa vacuité, acquiert la certitude de l’innocence de Dreyfus. Très ému par sa découverte, Picquart diligente une enquête en secret, sans l'accord de ses supérieurs. Elle démontre qu'Esterházy avait connaissance des éléments décrits par le « bordereau » et qu'il était bien en contact avec l'ambassade d'Allemagne. Il est établi que l'officier vendait aux Prussiens de nombreux documents secrets dont la valeur était cependant assez faible.

Walsin-Esterházy est un ancien membre du contre-espionnage français où il avait servi après la Guerre de 1870. Il avait travaillé dans le même bureau que le commandant Henry de 1877 à 1880. Homme à la personnalité trouble, à la réputation sulfureuse, criblé de dettes, il est pour Picquart, un traître probable animé par un mobile certain : l'argent. Picquart communique alors les résultats de son enquête à l'État-Major, qui lui oppose : « l'autorité de la chose jugée ». Désormais, tout est fait pour l'évincer de son poste, avec l'aide de son propre adjoint le commandant Henry. Il s'agit avant tout, dans les hautes sphères de l'Armée, de ne pas admettre que la condamnation de Dreyfus puisse être une grave erreur judiciaire. Pour Mercier, puis Zurlinden, et l'État-Major, ce qui est fait est fait, on ne revient jamais en arrière. Il convenait alors de séparer les affaires Dreyfus et Esterházy.

La dénonciation de Walsin-Esterházy et les progrès du dreyfusisme

La presse nationaliste lance une violente campagne contre le noyau dur naissant des dreyfusards. En contre-attaquant, l'État-Major se découvre et révèle des informations, ignorées jusque-là, sur le « dossier secret ». Le doute commence à s'installer et des figures des milieux artistiques et politiques s'interrogent. Picquart tente de convaincre ses chefs de réagir en faveur de Dreyfus, mais l'État-Major semble sourd. Une enquête est instruite contre lui, il est surveillé, éloigné dans l'Est, puis muté en Tunisie « dans l'intérêt du service ».

C'est le moment que choisit le commandant Henry pour passer à l'action. Le 1er novembre 1896, il fabrique un faux, le « faux Henry », en conservant l'entête et la signature d'une lettre quelconque de Panizzardi, en rédigeant lui-même le texte central :

« J'ai lu qu'un député va interpeller sur Dreyfus. Si on demande à Rome nouvelles explications, je dirai que jamais j'avais les relations avec ce Juif. C'est entendu. Si on vous demande, dites comme ça, car il ne faut pas que on sache jamais personne ce qui est arrivé avec lui. »

C'est un faux assez grossier. Les généraux Gonse et Boisdeffre, sans se poser de questions, amènent cependant la lettre à leur ministre le général Billot. Les doutes de l'État-Major concernant l'innocence de Dreyfus s'envolent. Fort de cette trouvaille, l'État-Major décide de protéger Esterházy et de persécuter le colonel Picquart, « qui n'a rien compris ». Picquart, qui ignore tout du faux Henry, se sent rapidement isolé de ses collègues militaires. Littéralement accusé de malversations par le commandant Henry, il proteste par écrit et rentre à Paris.

Picquart se confie à son ami, l'avocat Louis Leblois, à qui il fait promettre le secret. Ce dernier en parle pourtant au vice-président du Sénat, l'alsacien Auguste Scheurer-Kestner, lequel est à son tour touché par le doute. Sans citer Picquart, le sénateur révèle l'affaire aux plus hautes personnalités du pays. Mais l'État-Major soupçonne quand même Picquart d'être à l'origine des fuites. C'est le début de l'affaire Picquart, une nouvelle conspiration de l'État-Major contre l'officier.

Le commandant Henry, pourtant adjoint de Picquart, mais jaloux, mène de son propre chef, une opération d'intoxication afin de compromettre son supérieur. Il se livre à diverses malversations (fabrication d'une lettre le désignant comme l’instrument du « syndicat juif » voulant faire évader Dreyfus, truquage du « petit bleu » pour faire croire que Picquart a effacé le nom du réel destinataire, rédaction d'un courrier nommant Dreyfus en toutes lettres).

Parallèlement aux investigations du colonel Picquart, les défenseurs de Dreyfus sont informés de l'identité de l'écriture du « bordereau » avec celle d'Esterházy en novembre 1897. Mathieu Dreyfus avait fait afficher la reproduction du bordereau, publiée par Le Figaro. Un banquier, Castro, identifie formellement cette écriture comme celle du commandant Walsin-Esterházy, son débiteur, et prévient Mathieu. Le 11 novembre 1897, les deux pistes se rejoignent, à l'occasion d'une rencontre entre Scheurer-Kestner et Mathieu Dreyfus. Ce dernier obtient enfin la confirmation du fait qu'Esterházy est bien l'auteur du bordereau. Le 15 novembre, sur ces bases, Mathieu Dreyfus porte plainte auprès du ministère de la Guerre contre Walsin-Esterházy. La polémique étant publique, l'armée n'a plus d'autre choix que d'ouvrir une enquête. Fin 1897, Picquart, revenu à Paris, fait connaître publiquement ses doutes sur la culpabilité de Dreyfus, du fait de ses découvertes. La collusion destinée à éliminer Picquart semble avoir échoué. La contestation est très forte et vire à l'affrontement. Afin de discréditer Picquart, Esterházy envoie sans effet des lettres de plainte au Président de la République.

Le mouvement dit dreyfusard, animé par Bernard Lazare, Mathieu Dreyfus, Joseph Reinach et Auguste Scheurer-Kestner s'élargit. Émile Zola, informé mi-novembre 1897 par Scheurer-Kestner du dossier, est convaincu de l'innocence de Dreyfus et s'engage officiellement. Le 25 novembre, le romancier publie M. Scheurer-Kestner dans Le Figaro, premier article d'une série qui en compte trois. Devant les menaces de désabonnements massifs de ses lecteurs, le directeur du journal cesse de soutenir Zola. De proche en proche, fin novembre-début décembre 1897, les écrivains Octave Mirbeau, dont le premier article paraît trois jours après celui de Zola, et Anatole France, l'universitaire Lucien Lévy-Bruhl, le bibliothécaire de l'École normale supérieure Lucien Herr, qui convainc Léon Blum et Jean Jaurès, les auteurs de La Revue blanche, dont Lazare connaît bien le directeur Thadée Natanson, les frères Clemenceau Albert et Georges s'investissent dans le combat pour la révision du procès. Blum tente fin novembre de faire signer à son ami Maurice Barrès une pétition demandant la révision du procès, mais ce dernier refuse, rompt avec Zola et Blum début décembre, et commence à populariser le terme d’ « intellectuels ». Cette première rupture est le prélude à une division des élites cultivées, après le 13 janvier.

Si l'Affaire Dreyfus occupe de plus en plus les discussions, le monde politique ne le reconnaît toujours pas, et Jules Méline déclare en ouverture de séance de l'Assemblée nationale, le 7 décembre : « il n'y a pas d'affaire Dreyfus. Il n'y a pas en ce moment et il ne peut pas y avoir d'affaire Dreyfus. »

Procès et acquittement du traître

Le général de Pellieux est chargé d'effectuer une enquête. Celle-ci tourne court, l'enquêteur étant adroitement manipulé par l'État-Major. Le vrai coupable, lui dit-on, est le lieutenant-colonel Picquart. L'enquête s'achemine vers un non-lieu, quand l'ex-maîtresse d'Esterházy, Mme de Boulancy, fait publier dans Le Figaro des lettres dans lesquelles il exprimait violemment, une dizaine d'années plus tôt, toute sa haine de la France et son mépris de l'Armée française. La presse militariste vole au secours du traître au travers d'une campagne antisémite sans précédent. La presse dreyfusarde réplique, forte des nouveaux éléments en sa possession. Georges Clemenceau, dans le journal L’Aurore, se demande :

« Qui protège le commandant Esterházy ? La loi s'arrête, impuissante devant cet aspirant prussien déguisé en officier français. Pourquoi ? Qui donc tremble devant Esterházy ? Quel pouvoir occulte, quelles raisons inavouables s'opposent à l'action de la justice ? Qui lui barre le chemin ? Pourquoi Esterházy, personnage dépravé à la moralité plus que douteuse, est-il protégé alors que tout l’accuse ? Pourquoi un honnête soldat comme le lieutenant-colonel Picquart est-il discrédité, accablé, déshonoré ? S'il le faut nous le dirons ! »

Bien que protégé par l'État-Major et donc par le gouvernement, Esterházy est obligé d’avouer la paternité des lettres francophobes publiées par Le Figaro. Ceci décide le bureau de l’État-Major à agir : une solution pour faire cesser les questions, les doutes et les débuts de demande de justification doit être trouvée. L'idée est d'exiger d'Esterházy qu'il demande lui-même à passer en jugement et être acquitté afin de faire cesser les bruits et de permettre le retour de l'ordre. C'est donc pour le disculper définitivement, selon la vieille règle « Res judicata pro veritate habetur », qu'Esterházy est présenté le 10 janvier 1898 devant un Conseil de guerre. Le huis clos « retardé » est prononcé. Esterházy est prévenu des sujets du lendemain avec des indications sur la ligne de défense à tenir. Le procès est peu régulier : les constitutions de parties civiles demandées par Mathieu et Lucie Dreyfus leur sont refusées, les trois experts en écritures ne reconnaissent pas l'écriture d'Esterházy dans le bordereau et concluent à la contrefaçon. L'accusé lui-même est applaudi, les témoins à charge, hués et conspués, Pellieux intervenant pour défendre l'État-Major sans qualité légale. Le véritable accusé est le colonel Picquart, sali par tous les protagonistes militaires de l'Affaire. Esterházy, est acquitté à l'unanimité dès le lendemain, après trois minutes de délibéré. Sous les vivats, il a du mal à se frayer un chemin vers la sortie où l'attendent 1 500 personnes.

Par erreur, un innocent a été condamné, mais par ordre, le coupable est acquitté. Pour beaucoup de républicains modérés, c'est une atteinte insupportable aux valeurs fondamentales qu'ils défendent. L'acquittement d'Esterházy amène donc un changement de la stratégie dreyfusarde. Au libéralisme respectueux de Scheurer-Kestner et Reinach, succède une action plus combative et contestataire. En réaction à l'acquittement, d'importantes et violentes émeutes antidreyfusardes et antisémites ont lieu dans toute la France. On attente aux biens et aux personnes.

Fort de sa victoire, l’État-Major arrête le lieutenant-colonel Picquart sous l'accusation de violation du secret professionnel, suite à la divulgation de son enquête à son avocat qui l'aurait révélée au sénateur Scheurer-Kestner. Le colonel, bien qu'il soit mis aux arrêts au fort du Mont-Valérien, n'abdique pas et s'engage de plus en plus dans l'Affaire. À Mathieu qui le remercie, il réplique sèchement qu'il ne « fait que son devoir ». Le commandant Esterházy, est mis rapidement à la réforme, et devant les risques qui pèsent à son égard, s'exile en Angleterre où il termine ses jours confortablement dans les années 1920. Esterházy a bénéficié, au moment de « L'Affaire », d'un traitement de faveur de la part des hautes sphères de l'Armée qui s'explique assez mal, sinon par le désir de l'État-Major de vouloir étouffer toute velléité de remise en cause du verdict du Conseil de guerre qui avait condamné le capitaine Dreyfus en 1894.

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17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 15:31
Quel que soit l'époque, les affaires criminelles ont toujours fait parler d'elles. Dans ce cas, nous allons remonter un peu le temps et nous retrouver au 18e siècle. Comme quoi, et avec l'aide de personnalités célèbres (dans ce cas Voltaire), la justice peut commettre des erreurs.

L'affaire Calas est une affaire judiciaire qui se déroula au milieu du XVIIIe siècle à Toulouse, rendue célèbre par l'intervention de Voltaire.

L'affaire est révélatrice du traitement, à l'époque, d'un suspect, puis accusé, sans l'appui d'un avocat (remplacé par des libelles nommés factums), où une hiérarchie des preuves (adminicule et monitoire), le secret de l'instruction et une procédure inquisitoriale transforment le présumé coupable en victime expiatoire.

L'AFFAIRE

La famille Calas, habitait au 16, rue des Filatiers (aujourd'hui n° 50) à Toulouse. Le 13 octobre 1761, leur fils aîné, Marc-Antoine, se pendit dans la boutique familiale. Ne voulant pas qu'il soit considéré comme suicidé et subisse des obsèques infamantes ; « être traîné sur la claie ». La famille Calas n'indiqua pas tout d'abord aux autorités les circonstances exactes de sa découverte et prétendit avoir trouvé le malheureux étranglé.

Mais les Calas étaient protestants et cela suffit pour que le capitoul David de Beaudrigue, convaincu par des rumeurs de voisinage alléguant la volonté de Marc-Antoine de se convertir au catholicisme, exigea un complément d'enquête et fit soumettre Jean Calas à la question. La torture fut infligée à Jean Calas après le verdict du procès par le parlement de Toulouse.

Le parlement de Toulouse le condamna à mort le 10 mars 1762, sans que le jugement fut motivé. Le malheureux Calas fut condamné au supplice de la roue. Il subit la question, longue séance de torture mais n'avoua rien. Il proclama son innocence. Roué place Saint-Georges, Jean Calas fut étranglé puis brûlé deux heures plus tard.

Exilé, un autre fils de Jean Calas, Pierre, se rendit dans la ville calviniste de Genève, où il rencontra Voltaire. Le philosophe crut d'abord l'accusation fondée et alla rédiger scandaleusement même une lettre incendiaire sur Jean Calas. Mais convaincu par Pierre de son innocence, il forma un groupe de pression avec ses amis et utilisa son ironie corrosive pour que justice soit faite.

Afin de parvenir à la révision du procès, Voltaire publia, en 1763, l'ouvrage Traité sur la tolérance à l'occasion de la mort de Jean Calas tandis que la famille avait obtenu un entretien à Versailles auprès de Louis XV. Le capitoul, c'est-à-dire l'officier municipal de Toulouse, qui avait largement contribué à monter les fausses accusations contre Calas, fut destitué. En 1765, Voltaire réussit à faire réviser le procès et à obtenir un arrêt qui déclarait Calas innocent et réhabilitait sa mémoire.

Le procès de Calas a été inséré dans les causes célèbres. Il a fourni à Marie-Joseph Chénier, à Jean-Louis Laya et à Auguste-Jacques Lemierre d'Argy le sujet de drames populaires. Athanase Coquerel a publié en 1858 Jean Calas et sa famille.

CHRONOLOGIE DETAILLEE

Le 19 mars 1698, Jean Calas naît à Lacabarède, près de Castres. De famille protestante, il reçoit pourtant quatre jours plus tard le baptême de l'Église catholique.

Il s'installe en 1722 comme marchand linger rue des Filatiers à Toulouse.

Le 19 octobre 1731, il épouse Anne-Rose Cabibel, de confession protestante. Ils auront quatre fils et deux filles : Marc-Antoine (né le 7 novembre 1732), Pierre, Louis, Donat, Anne et Anne-Rose.

Le 18 mai 1759, Marc Antoine Calas est reçu bachelier en droit. Mais il ne peut obtenir des autorités ecclésiastiques le certificat nécessaire à la soutenance des actes de licence.

Le 13 octobre 1761, Marc Antoine est trouvé étranglé au rez de chaussée de la maison.

Le capitoul David de Beaudrigue mène l'enquête. Il interroge Jean et Pierre Calas, ainsi que Gaubert Lavaisse, invité le soir même du drame, le 15 octobre 1761.

Les accusés révèlent avoir trouvé Marc Antoine pendu, et avoir maquillé le suicide en meurtre, puis avoir menti aux enquêteurs afin d'épargner au défunt la honte du suicide. À l'époque, les corps des suicidés sont soumis à un jugement infamant.

Le 24 janvier 1761, l'intendant du Languedoc reçoit une lettre du subdélégué de Toulouse, faisant état de la mauvaise volonté de Jean Calas à subvenir aux besoins de son fils Louis, ne vivant plus sous le toit familial et s'étant converti au catholicisme en 1756. Fort de ces éléments, le clergé toulousain et la populace réclament un châtiment exemplaire pour cette famille accusée d'un crime atroce : avoir assassiné leur fils qui voulait se convertir au catholicisme. Il réclament le châtiment des hérétiques.

Personne ne mène d'enquête afin de savoir si Marc Antoine avait vraiment l'intention de se convertir. Il est déclaré martyr et enterré selon le rite catholique, son cercueil escorté par 40 prêtres pénitents blancs et au milieu d'une foule immense.

Le 18 novembre 1761, les capitouls affirment que Jean, Anne-Rose, Pierre Calas, Jeanne Viguière la servante, et Gaubert Lavaysse sont coupables. On décide de soumettre à la torture Jean Calas, sa femme et son fils Pierre, et d'infliger la question à Gaubert Lavaysse et à Jeanne Viguière.

Ils font appel devant le parlement de Toulouse.

Le 9 mars 1762, sur les conclusions du procureur général Riquet de Bonrepos, par 8 voix sur 13, le parlement condamne au supplice Jean Calas. Exécution faite le 10 mars, Jean Calas meurt roué, place Saint-Georges, en proclamant son innocence. Son corps est brûlé sur un bûcher et les cendres jetées au vent.

Le 18 mars 1762, Pierre est banni, sa mère, Jeanne Viguière et Lavaisse sont acquittés, les deux filles Calas enfermées dans des couvents. Les biens de la famille sont confisqués.

Le 14 avril 1763 Antoine Louis présente publiquement Mémoire sur une question anatomique relative à la jurisprudence, dans lequel on établit les principes pour distinguer à l'inspection d'un corps trouvé pendu le signe du suicide d'avec ceux de l'assassinat.

Calas et sa famille sont définitivement réhabilités en 1765, par une assemblée de 80 juges et par le conseil du roi.

Le roi accorde à la famille une pension de 36 000 livres.

Voltaire fut ainsi le premier écrivain français à s'engager publiquement dans une affaire judiciaire. Son Traité sur la tolérance a porté ses fruits, car Jean Calas fut réhabilité.

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14 décembre 2009 1 14 /12 /décembre /2009 15:59
Voici le premier episode d'une nouvelle section appelée AFFAIRE CRIMINELLE. Je vais tenter de retracer des faits criminels peu communs.

Pour cette première affaire, la victime a eu beaucoup de chance. Vous allez comprendre pourquoi....

Krystal Surles a aujourd'hui 20 ans. C'est une jeune femme pleine de charme, malgré sa cicatrice (qui se voit à peine) au niveau de la gorge. Mais, 10 ans plus tôt, elle a réussi par son courage à vaincre la mort et à faire inculper un tueur en série que la police n'a jamais pu attraper auparavant !!!!

Voici l'histoire bouleversante d'une enfant qu, par son courage, a été confrontée au pire des cauchemars.

Le 30 Décembre 1999, à San Antonio. La famille de Krystal dormait chez des amis, les Harris, afin de fêter le nouvel an. Ils étaient sur le point de déménager à Del Rio, au Texas pour changer de vie. Non loin de là, leur meilleure amie, Katy. Les deux amies ont veillés tard et se sont endormies après une longue discussion.

En plein milieu de la nuit, Krystal fut réveillée par un cri. Elle apercçut un homme au bout de son lit, grâce à la veilleuse. Il avait de longs cheveux frisés et sombre. Il portait aussi une barbe épaisse. Il tenait Katydans ses bras avec une main sur la bouche et l'autre, il tenait un couteau sous sa gorge. Katy se débattait mais Krystal voyait dans ses yeux un message : celui de ne rien dire. Mais, l'homme n'a pas hésité à lui passé le couteau sous la gorge, ne se rendant pas compte que Krystal était là....

Sur le point de partir, il se retourna et aperçu la jeune fille. Krstal tenta de s'échapper mais en vain. Il réussit à l'attraper et à la frapper à la gorge avec son couteau.

Krystal resta étendue un moment, attendant que le tueur s'en aille. Puis, tant bien que mal, elle se rapprocha de son amie, encore en vie mais avec un sifflement étouffé. Elle voulu la réconforter avec des paroles mais elle se rendit compte qu'elle ne pouvait pas parler. Ensuite, les bruits dans la gorge de son amie se sont arrêtés.

Voyant son amie partir, une force l'envahit. Elle se leva et marcha, avec une main contre sa gorge. Elle sort en pyjama, sans chaussure, et voit une lumière un peu plus loin. Elle s'y dirige en se motivant. Malgré sa douleur, elle réussit à arriver au seuil de la porte et à frapper. Un homme finit par ouvrir.

Pétrifié par ce qu'il voit, Herb Betz appelle aussitôt les secours. Krystal tente de lui faire comprendre qu'elle veut écrire. Elle lui demande si elle va vivre et Herb tente de la rassurer. Quand les secours arrivent, Krystal a perdu connaissance. Elle est évacuée à l'hôpital de Del Rio et les services hospitaliers appellent sa famille. Ils demandent par la même occasion si ils autorisent à la transférer à San Antonio par hélicoptère.

Une fois sur place, les médecins la prennent en charge. Ils ont réussi à la sauver en lui recousant sa trachée artère et ses jugulaires. Un long tuyau relie sa gorge à un poumon artificiel. Une fois réveillée, Krystal tente de comprendre la situation et n'avait plus qu'un envie : retrouver et faire arrêter l'assassin.

Un dessinateur est venu pour le portrait robot et Krystal put le décrire avec facilité. Le père de Krystal, Terry, le reconnaît aussitôt : il s'agit de Tommy Lynn Sells, employé dans un garage proche de Del Rio. Il l'avait rencontré ce pauvre type à l'église et aider sur plusieurs plans comme prier ou gérer son argent. Tommy connaissait aussi la maison.

Le 2 Janvier 2000, à 5H30 du matin, la police arrête Tommy. Ce dernier était content d'être arrêté. Il explique même qu'il n'est pas à sa première tentative et aurait commis plus de 70 meurtres.

Une fois sortie de l'hôpital, Krystal va témoigner contre lui, sans peur, et pensant surtout à son amie Katy.

Comme quoi, le courage d'une petite fille a réussi à faire mettre en cage un criminel....

N'hésitez pas à me donner votre avis sur la situation et ce que vous pensez du courage de cette petite....
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